Crise migratoire, la Turquie négocie avec l'UE: "Un marchandage sordide et honteux"

La question des migrants était au cœur du sommet entre l'UE et la Turquie ce lundi - AFP
La période de l'immigration "irrégulière" en Europe est "révolue", a affirmé le président du Conseil européen Donald Tusk dans la nuit de lundi à mardi, à l'issue d'un long sommet avec la Turquie à Bruxelles sur la crise migratoire. Suite à ces négociations, "nous avons pris la décision audacieuse d'accepter le retour de tous les migrants irréguliers en provenance de la Grèce, quelle que soit leur origine", a promis le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu, à condition que les Européens s'engagent, pour chaque demandeur d'asile renvoyé en Turquie, à transférer un réfugié depuis la Turquie vers le territoire de l'UE.
"Les Turcs vont faire le travail des Européens"
"Je pense que c'est un marchandage assez sordide, estime sur RMC le chercheur et spécialiste des flux migratoires, François Gemenne. En fait, on échange un réfugié accepté en Europe contre un migrant économique renvoyé en Turquie. Cela veut dire que l'on considère les êtres humains, des gens qui fuient la misère, la guerre, qui cherchent un avenir meilleur, comme des pièces sur une sorte de grand échiquier diplomatique. Je pense que c'est assez sordide et honteux".
"En réalité, l'UE essaye d'externaliser ce qui devrait être la gestion de sa propre politique migratoire", assène-t-il. Concrètement, cela veut dire que les Turcs devront, sur leur territoire, examiner la demande d'asile du réfugié avant de lui permettre de partir en Europe. "En d'autres termes, les Turcs vont faire le travail des Européens. Puisque ceux-ci sont incapables de le faire, ils vont demander aux Turcs de le faire à leur place", analyse François Gemenne, dans Bourdin Direct.
"Le gouvernement turc a beaucoup à gagner"
Et pour faire ce travail, la Turquie a notamment demandé trois milliards d'euros d'aide européenne supplémentaire, en plus de trois milliards déjà promis, pour mieux accueillir et intégrer sur son sol les réfugiés syriens (2,7 millions actuellement). "Ajouté à cela un régime d'exemption de visas et, vraisemblablement, une relance du processus d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne", souligne le chercheur en science politique qui déplore "le silence des Européens sur la violation des droits de l'homme et les atteintes au droit de la presse".
François Gemenne considère donc que "le gouvernement turc a beaucoup à gagner dans cette affaire. C'est la Turquie qui a la main dans ce dossier car c'est elle qui a sur son territoire plus de 2,5 millions de réfugiés. Ce qui est un énorme moyen de pressions sur l'UE, qui est en train d'y céder et de vendre son âme".