Désinformation russe avant les JO 2024: "La stratégie du Kremlin est de répandre des psychoses"

Le Centre d'analyse des menaces (MTAC), géré par le géant technologique américain Microsoft, alerte sur la campagne de désinformation russe visant les JO 2024. Selon cet observatoire, la Russie va notamment s’appuyer sur l’intelligence artificielle pour "semer la peur afin de dissuader les spectateurs d’assister aux Jeux olympiques". "24% des billets vendus ont été restitués par crainte d’un attentat" peut-on lire par exemple sur une vidéo estampillée France 24. Une autre indique que la CIA considère élevé le risque d’attentat. Sauf que tout cela est faux. Du contenu fabriqué de toute pièce par des groupes d’influence russe, qui n’hésitent pas à créer de faux sites d’information pour diffuser des fausses nouvelles et critiquer le gouvernement d’Emmanuel Macron. Et ce n’est que le début… Il va falloir redoubler de vigilance sur ce que l’on lit en ligne, car le MTAC s’attend à ce que ces activités s’intensifient à l’approche de la cérémonie d’ouverture, le 26 juillet à Paris.
"La stratégie du Kremlin est de répandre des psychoses, explique David Colon, professeur à Sciences-Po Paris et auteur de "La guerre de l'information", dans Apolline Matin ce mardi sur RMC et RMC Story. Psychose nucléaire, psychose terroriste… Toutes les psychoses sont bonnes à prendre pour semer le doute et la confusion dans nos esprits. La guerre de l’information, c’est une guerre de la perception. Nous ne devons pas nous laisser emporter par nos émotions et par la peur. Nous connaissons bien aujourd’hui le mode opératoire du Kremlin. Aujourd’hui, la France est beaucoup plus prête que par le passé à faire face à ce type de déstabilisation."
Ces dernières semaines, les tags d’étoiles de David et de mains rouges à Paris, ainsi que les cercueils déposés devant la tour Eiffel, seraient liés à cette volonté de la Russie de déstabiliser la France. "Plus la France soutient l’Ukraine, plus la Russie cherche à nous diviser, souligne David Colon. C’est fondamental pour le Kremlin. On voit bien que sur le terrain, l’armée russe fait peu de progrès. En revanche, le champ informationnel lui offre la possibilité de grandes manœuvres de déstabilisation, de fragilisation de notre cohésion nationale, de pirater notre débat public à quelques jours des élections européennes. Ce n’est pas une question politique. C’est une question de souveraineté, de sécurité et de cohésion nationale. C’est comme ça qu’il faut prendre ces tentatives de perturber notre débat politique."
"Ne pas surréagir" face aux tentatives russes de déstabilisation
"On peut anticiper d’autres opérations, ajoute David Colon. Le Kremlin en mène très régulièrement à travers ses services de renseignement et ses prestataires. Elles reposent sur la manipulation de nos perceptions, l’amplification de nos divisions, la fabrique de la défiance, du chaos… On peut redouter par exemple le recours à des deepfake générés par l’intelligence artificielle pendant la période de réserve. A l’automne dernier, un deepfake audio a perturbé les élections législatives en Slovaquie. Le deepfake est couramment utilisé pour fragiliser notre capacité à distinguer le vrai et le faux."
Et selon ce spécialiste, face à ces tentatives russes, "il ne faut pas surréagir". "On se protège en se tenant à distance des contenus qui suscitent chez nous de l’émotion, que ce soit sur les médias ou sur les réseaux sociaux, indique David Colon. Et aussi en se familiarisant avec ces techniques de manipulation auxquelles ont recours un certain nombre de nos adversaires, qui sont des régimes autoritaires. Le Kremlin n’est pas le seul. Tout indique aujourd’hui que d’autres acteurs étatiques sont impliqués dans des opérations de manipulation et de désinformation visant la France, non seulement à l’approche des élections européennes, mais aussi des Jeux olympiques, pour fragiliser l’image de notre pays dans le monde."