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Emmanuel Macron à Rabat: pourquoi les relations étaient très tendues entre la France et le Maroc

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Emmanuel Macron est attendu ce lundi à Rabat, pour une visite d’Etat qui scelle la réconciliation entre la France et le Maroc, après plusieurs années de tensions.

Emmanuel Macron entame une visite d’Etat au Maroc ce lundi, pour réchauffer les relations diplomatiques. Entre le Maroc et la France, c’est une histoire de vieux couple. Ceux qui se connaissent par cœur, depuis toujours, et qui se font peur de temps en temps. Ils se fâchent, comme pour tester la solidité de leurs liens. Et les liens entre ces deux-là remontent loin. Ancien protectorat français, le Maroc est indépendant depuis 1955. Sa relation avec la France est intime. Pilier de la francophonie, c’est notre premier partenaire commercial en Afrique. Les Marocains forment la 2e plus importante diaspora en France après les Algériens. Les échanges culturels sont denses et le Maroc est une des destinations touristiques préférées des Français.

Et pourtant… Novembre 2018. Emmanuel Macron est au pouvoir depuis un peu plus d’un an. En visite officielle à Rabat, il inaugure la première ligne à grande vitesse d’Afrique aux côtés du roi Mohammed VI. Premier coup de canif dans le contrat: le président de la République fait un déplacement express, une demi-journée à peine, et il vient seul, la première dame est restée à Paris. Le roi le perçoit comme un cruel manque de considération, pas à la hauteur du lien qui unit les deux pays. Le ver est dans le fruit.

A partir de là, les relations se sont lentement détériorées, jusqu’en 2021, avec un évènement moins anecdotique. Un consortium de journalistes révèle le “projet Pégasus”, un système mondial d’espionnage de téléphone grâce à un logiciel israélien. L’affaire est tentaculaire et cible des milliers de personnalités dans des dizaines de pays. Les services de renseignement marocains sont soupçonnés d'avoir espionné le téléphone d’Emmanuel Macron deux ans plus tôt. Ce dernier est furieux. Le Maroc dément formellement. Mais le soupçon est un poison puissant. Paris se méfie de Rabat.

La France s’engage pour le Maroc sur le Sahara occidental

Quelques mois plus tard, la France, échaudée, prend le risque de vexer son partenaire. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, réduit de moitié le nombre de visas accordés aux Marocains. Une manière de forcer les pays du Maghreb à collaborer sur le renvoi des étrangers sous OQTF. Une stratégie qui s’est avérée totalement inutile sur l’immigration, mais diablement efficace pour givrer les relations diplomatiques. Paris revient d’ailleurs sur cette décision un an plus tard. Trop tard.

Le couple franco-marocain ne se comprend plus. La relation entre Emmanuel Macron et Mohammed VI est tellement exécrable qu’ils se raccrochent au nez, murmure-t-on dans les couloirs de l’Elysée. La France se détourne du Maroc et fait les yeux doux… à l’Algérie. Emmanuel Macron se rend sur place en visite officielle en 2022, et il multiplie les mains tendues à Alger, ennemi intime de Rabat. Entre autres querelles de voisinage, les deux pays s’opposent depuis 50 ans sur la question du Sahara occidental. La zone est en grande partie contrôlée par le Maroc mais revendiquée par des indépendantistes, soutenus par l'Algérie.

Le divorce est consommé. La diplomatie franco-marocaine ne tient plus qu’à un fil, et il va se rompre l’année suivante. Le Parlement européen vote deux résolutions hostiles au Maroc, sur le thème des droits de l’homme. Pour Rabat, l’Elysée est à la manœuvre, l’ambassadeur en poste à Paris est rappelé. Quelques mois plus tard, le Haut-Atlas est ravagé par un tremblement de terre. La France propose son aide. Le Maroc refuse. De mémoire d’historiens, c’est la plus grave crise depuis les années 1990 et l’affaire Gilles Perrault. A l’époque, l’auteur du pamphlet “Notre ami le roi” avait déclenché la colère du roi Hassan II, l’annulation de l’année du Maroc en France, et des milliers de courriers de protestation reçus par l’Elysée.

Comment on revient d’une telle crise de couple? Par un geste fort, un engagement sans équivoque. Et il est venu de Paris. Cet été, après des décennies d’hésitations, la France prend le parti de Rabat sur la question du Sahara occidental. Paris se détourne d’Alger et revient à ses premières amours. Et c’est la main d’Emmanuel Macron qui scellera la réconciliation. Il écrit une lettre au roi Mohammed VI et lui dit ceci: "Le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine". Souveraineté. Le mot est choisi avec soin. C’était la pièce manquante pour reconstituer le puzzle franco-marocain. Emmanuel Macron peut lancer la musique. La valse de patrons et de personnalités qui l’accompagnent dans cette visite d’Etat qui débute ce lundi à Rabat devrait faire mouche. Et en présence de Brigitte Macron, cette fois-ci.

Amélie Rosique