RMC

"Expliquez-nous": mais au fait, qui sont les Kurdes ?

Le chaos s’installe au nord de la Syrie, depuis le début de l’offensive militaire turque, mercredi dernier. Les civils kurdes sont les premières victimes.

Les Kurdes, c’est le plus grand peuple du monde à ne pas disposer d’un état. Ils sont 40 millions environ, répartis sur quatre pays: la Turquie, l’Iran, la Syrie et l’Irak. 

Ils ont une culture, une langue, qui est proche du Perse iranien. Ils ont une histoire, une religion - ils sont majoritairement musulmans sunnites, même s’il y a des chrétiens kurdes. Il y avait même des Juifs Kurdes, mais ils ont tous immigrés en Israël.

Bref, ils ont tout ce qui fait une nation sauf un État. Ils ont toujours été coincés entre deux grands empires: les Ottomans et les Perses, c’est-à-dire les Turcs et les Iraniens. Ils auraient pu, ils auraient dû, avoir une terre il y a 100 ans environ. Après la Première Guerre mondiale, l’empire Ottoman est démantelé. Des nouveaux pays sont créés. Le Liban, la Syrie, l’Irak. Le Kurdistan devait aussi voir le jour. Mais les Turcs ne tiennent pas leurs promesses. C’est la grande occasion ratée.

Alors comment vivent les kurdes aujourd’hui? C’est très différent selon les pays. En Irak, ils ont obtenu une large autonomie, c’est presque un pays, avec Erbil comme capitale, et avec surtout beaucoup de pétrole qui leur laisse espérer des lendemains meilleurs. En Syrie, ils avaient aussi obtenu de fait une grande autonomie depuis le début de la guerre il y a 8 ans. Mais tout vient de voler en éclats. En Iran et en Turquie, ce sont des minorités opprimées.

Une guérilla permanente

Les Turcs qualifient les organisations kurdes de “terroristes”. Et en particulier le PKK, le parti des travailleurs d’inspiration communiste. Les Turcs ne sont pas les seuls à les considérer comme des terroristes. Les Etats-Unis, le Canada, l’Union européenne ont mis le PKK sur la liste noire des organisations terroristes.

La vérité est que depuis au moins 40 ans, on assiste à une guérilla permanente entre l'armée turque et la résistance kurde. Avec les Turcs qui organisent des déplacements de population, qui rasent des villages, il y a eu des exécutions, des disparitions, des arrestations massives. En face, le PKK est l’auteur d’attentats contre l'armée, mais aussi d’attentats suicides contre des civils. On lui attribue des assassinats, des destructions d'école. Bref, une sale guerre qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts en Turquie.

200.000 civils sur les routes

Mais aujourd’hui, c’est en Syrie que les Kurdes vivent un cauchemar. Les "unités de protection du peuple” ou YPG, le nom de l'armée kurde en Syrie, n’ont pas tenu le choc face aux premiers offensives turques. Résultat: déjà 200.000 civils sur les routes qui fuient les bombardements. Les milices utilisées comme force d’appui par les Turcs commettent des exactions. 

Les Kurdes ont ouvert les portes d’au moins un camp où étaient gardées les femmes de Daesh et leurs enfants. On a donc des milliers de femmes de jihadistes, dont quelques Françaises, qui actuellement errent dans le désert.

Les Kurdes, enfin, qui ont dû appeler à la rescousse l'armée de Bachar El Assad. Renonçant ainsi d’eux même à l’autonomie qu’ils avaient obtenue par le sang. Les soldats américains qui devaient les protéger sont en train de fuir dans des conditions honteuses. Les forces spéciales françaises et les SAS britanniques ne vont pas pouvoir rester sans les Américains. Bref, c’est une catastrophe absolue. 

Nicolas Poincaré