RMC

Le cannabis désormais autorisé en Thaïlande: pourquoi une telle bascule

C'est une décision qu'on n'attendait pas. La Thaïlande, pays asiatique avec une législation très sévère concernant la culture et la consommation de drogue, vient de dépénaliser le cannabis. Le résultat d'une véritable révolution sociétale.

La Thaïlande, grand pays de tourisme, vient de dépénaliser le cannabis. Et c’est pour le moins inattendu. L’image libérale que nous, Français et Européens, avons de la Thaïlande est très éloignée de la réalité quotidienne du pays. Le royaume conservateur à majorité bouddhiste a d’ailleurs longtemps appliqué un régime extrêmement sévère en matière de vente et d’usage de drogues.

Les prisons thaïlandaises sont remplies de revendeurs, mais aussi de consommateurs interpellés sur la voie publique. Or, depuis le 9 juin, plus rien n’empêche l’usage récréatif de la marijuana, qui a été retirée de la liste des substances classées comme stupéfiants. La Thaïlande est même la première nation asiatique à autoriser la culture à domicile de cannabis et de chanvre.

Pourquoi ce revirement ? D’abord les aspirations du peuple thaïlandais à une véritable révolution sociétale après cinq années de junte au pouvoir, puis trois ans de régime autoritaire et de restrictions dues au Covid. Une loi sur le mariage homosexuel a été adoptée en première lecture en juin dernier.

Depuis 2019, le pouvoir a permis la culture de cannabis pour son usage médicinal et comme complément alimentaire. L’objectif du gouvernement était de faire de la Thaïlande un “ hub médicinal, une plaque tournante du bien-être”. Il encourage d’ailleurs les amateurs à utiliser la marijuana cultivée en Thaïlande. Officiellement, pour soulager certains problèmes de santé. Officieusement, pour faire rentrer beaucoup d’argent dans les caisses de l’Etat puisque ce marché est évalué entre 3 et 5 milliards d’euros par an.

Un atout pour le tourisme?

Sauf que, depuis le 9 juin, des centaines de commerces d’un nouveau genre ont vu le jour. Thé au ganja, brownie au haschich, "weed truck" avec étal réfrigéré, vente de pipes à eau et de papier à cigarette… En un mois, un million de cultivateurs se sont inscrits sur le portail gouvernemental pour obtenir l’autorisation de cultiver et de vendre. Certains pour leur consommation personnelle, d’autres pour des raisons commerciales. Mieux, 4.000 prisonniers ont carrément été libérés ou ont vu leur peine allégée.

Malgré tout, il n’y a pas une liberté totale de cultiver, de vendre et de fumer. Il est interdit de fumer dans les lieux publics. La fumée de marijuana est considérée comme une gêne d’autrui et le contrevenant risque jusqu’à 678 euros d’amende. Le taux de THC, la molécule active du cannabis, celle qui fait planer, ne doit pas dépasser 0,2 %. Ce qui est assez faible.

Tout le monde est-il d’accord avec cette libéralisation? Globalement, oui. Avant la loi, un Thaïlandais sur deux avait déjà fumé. Depuis le vote de la loi, 62% des Thaïlandais se disent intéressés par la consommation de ces produits. Mais l’usage a beau n’être autorisé qu’à partir de l’âge 20 ans, des associations craignent de voir des adolescents, voire des enfants, s’adonner à ce nouveau type de loisir. Et le parti des généraux, lui, craint pour l’image de la Thaïlande à l’étranger.

En attendant, les petits agriculteurs, eux, se frottent les mains. Car, ce que personne n’ose avouer, c’est que cette dépénalisation risque d’agir comme un aspirateur à touristes. Certes, ce n’est pas ce qui s’est passé au Canada et en Uruguay, les deux premiers pays à avoir dépénalisé le cannabis. Mais la Thaïlande, hors Covid, est déjà la 9e destination touristique au monde avec 40 millions de touristes étrangers en 2019 avant l’épidémie.

Le tourisme étranger représentait même 12% du PIB. Bangkok est une des villes les plus touristiques du monde. Les villes du nord, comme Chiang Mai, et les plages du sud attirent des voyageurs du monde entier. Sans parler des îles comme Phuket, Koh Lantah ou Koh Phi Phi.

Laurent Neumann