"On va les compter, les morts": inquiétude et colère à Calais sur la loi britannique anti-migrants

Un sommet franco-britannique est organisé ce vendredi à l'Elysée pour tenter de renouer le dialogue après des années de tensions diplomatiques... Brexit, pêche, vente de sous-marins... Les sujets de discordre sont nombreux mais c'est surtout l'immigration qui devrait être au programme des discussions, alors que le gouvernement britannique a présenté mardi un nouveau projet de loi très controversé contre les traversées illégales de migrants.
Londres veut rendre l’asile inaccessible aux migrants arrivés illégalement sur son sol. Le texte prévoit leur expulsion rapide, l’interdiction de s'installer au Royaume-Uni ou de demander la nationalité britannique. Il facilite aussi la détention des migrants jusqu'à leur expulsion vers un pays tiers jugé sûr. Le Haut-Commissaire aux droits de l'homme des Nations unies a évoqué sa "profonde inquiétude" vis-à-vis de ces mesures.
"On n'est pas associés, ni consultés"
A Calais, la maire de la ville Natacha Bouchart oscille entre colère et inquiétude. Invitée d'"Apolline Matin" ce vendredi matin sur RMC et RMC Story ce vendredi matin, elle regrette de ne pas avoir été ni conviée ni consultée en vue des discussions bi-nationales, alors que sa commune est au coeur de tensions à ce sujet depuis des dizaines d'années.
"Les Calaisiens continuent de subir ce phénomène compliqué, mais pour autant, on n'est pas associés, ni consultés", lance-t-elle face à Apolline de Malherbe.
Elle ne voit notamment pas comment la France va pouvoir arrêter le départ de bateaux de fortune de migrants tentant de rejoindre les rives britanniques, alors que déjà de nombreux moyens sont mis en place.
"Pour eux, l’Angleterre reste un eldorado"
La nouvelle loi britannique provoque également un tollé du côté des associations d’aide aux réfugiés.
"J’ai essayé une fois mais la police a ramené le bateau", nous confie Amine, la vingtaine vivace et le sourire sous sa capuche détrempée. Parti de Libye il y a plus d’un an, ce jeune plombier reprendra la mer quelle que soit la législation outre-Manche. "Jamais je n'arrêterai ! Jamais, jamais. J’ai une guerre dans mon pays !", insiste-t-il.
L’horizon britannique qui se bouche inquiète en revanche Yassine. Il a 18 ans, il a fui l’Erythrée l’an dernier: "Je me sens triste en fait… Je ne sais pas pourquoi ils nous rejettent, nous voulons juste une belle vie ! Et le Royaume-Uni, c’est un rêve pour beaucoup ici".
"Ils vont continuer à traverser parce que pour eux, l’Angleterre reste un eldorado", confie Carène Bouteloup, coordinatrice de l'association Utopia 56 à Calais.
Elle s'inquiète surtout que ceux qui veulent rejoindre le Royaume-Uni prennent de plus en plus de risques, ce qui est déjà le cas. "Ils passent de plus en plus bas (dans la Manche) et donc la traversée est de plus en plus longue. Donc on risque d’avoir plus de naufrages. Je suis très inquiète parce qu’on va les compter, les morts", lance-t-elle.
Les précédentes restrictions n'ont pas arrangé la situation, avec des chiffres qui augmentent: 143 personnes avaient traversé la Manche en février 2022. Elles sont plus de 1.700, en février 2023.