Polémique Gueye: au Sénégal, la question de l'homosexualité toujours ultrasensible
L’affaire Idrissa Gueye prend de l’ampleur au Sénégal. Le président du pays, Macky Sall, a apporté son soutien au joueur du PSG qui a refusé de jouer avec un maillot aux couleurs arc-en-ciel en soutien à la cause LGBT.
Pour comprendre comment cette affaire est vue depuis le Sénégal, il faut avoir au moins deux choses en tête. D’abord, Idrissa Gueye est une immense vedette dans son pays. Surtout depuis qu’il a remporté la première coupe d'Afrique de l’histoire du pays, en février dernier. Ensuite, il faut savoir que la question de l’homosexualité est ultrasensible au Sénégal.
Il y a une dizaine d’années, en 2013, on avait prêté au président Macky Sall le projet de vouloir dépénaliser ce que la loi appelle là-bas “les relations contre nature entre deux personnes du même sexe”.
L’affaire avait provoqué une émotion considérable, des Imams avaient même menacé de s'immoler par le feu et le président avait fini par publier un communiqué. Il excluait totalement de vouloir dépénaliser l’homosexualité, précisant que cela ne se ferait jamais sous sa présidence, parce que cette interdiction est ancrée dans les valeurs culturelles du pays. C’est donc un engagement que Macky Sall avait pris en 2013.
En février dernier, une manifestation a eu lieu à Dakar pour soutenir une proposition de loi visant à durcir les textes qui interdisent l’homosexualité. On serait passé à une peine maximale de dix ans de prison, contre cinq actuellement. La loi n’a finalement pas été adoptée, mais une enquête de l'hebdomadaire l’Obs raconte la montée de l’homophobie au Sénégal.
Il révèle notamment l’existence d’une milice musulmane qui s’appelle la Dahira, une sorte de brigade des mœurs qui organise de violentes chasses aux gays. Il est question d’un mouvement qui appelle à la dénonciation des homosexuels et qui dispose de 166 cellules de veille dans les quartiers. Mercredi, une vidéo est sortie sur YouTube montrant le lynchage d’un jeune homosexuel par une dizaine d’hommes à Dakar.
Pas de risque pénalement
Il y a donc incontestablement une tendance à la radicalisation dans ce pays, musulman à 95%. C’est donc dans ce contexte tendu que le président a publié son communiqué pour soutenir Idrissa Gueye et ses “convictions religieuses qui doivent être respectées”.
Le PSG avait lui évoqué des “raisons personnelles” après le refus de son joueur de jouer avec ce maillot. Idrissa Gueye lui n’a toujours pas dit un mot sur cette affaire, toujours pas expliqué pourquoi il a refusé de jouer samedi dernier avec ce maillot aux couleurs de la journée mondiale contre l’homophobie. Le comité d'éthique de la fédération de football lui a demandé mercredi de clarifier la situation. Soit de démentir les rumeurs, soit de faire amende honorable en reconnaissant avoir commis une grave erreur.
Que risque-t-il ? Pénalement, rien du tout. Il n’y a pas de loi en France pour obliger à jouer un match ou pour forcer quelqu’un à porter un maillot. La ministre des Sports a été claire: “Gana Gueye n’a commis aucun délit”, a-t-elle indiqué, et elle renvoie vers l'employeur, en espérant que le PSG prendra des sanctions. Le PSG qui est assez discret sur l’affaire, mais qui a pris ses distances avec le joueur en rappelant que le club lutte contre toute forme de discrimination.
Sur les réseaux sociaux, certains prennent la défense du joueur sénégalais au nom de la liberté d’expression. Ils estiment que l’on a le droit de détester et de critiquer l’homosexualité au nom de ses convictions religieuses.
On a effectivement le droit en France de critiquer tout ce que l’on veut, y compris l’homosexualité. Eric Zemmour, par exemple, ne s’est pas privé de le faire pendant sa campagne en dénonçant le lobby LGBT ou la propagande LGBT. Et ces critiques peuvent être justifiées ou pas par des convictions religieuses. Cependant, il y a tout de même une limite, et c’est toujours la même: la loi de 1881 sur la liberté d’expression.
Elle interdit la provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence à raison de l’orientation sexuelle, ainsi que les injures à raison de l’orientation sexuelle. Idrissa Gueye ne tombe bien sûr pas sur le coup de cette loi puisqu’il n’a strictement rien dit. Mais ceux qui le défendent de façon trop véhémente risquent une amende de 45.000 euros.
Si le Sénégal punit les homosexuels, la France punit les insultes contre les homosexuels.