Pologne: Karol Nawrocki, candidat nationaliste, remporte de justesse la présidentielle

Karol Nawrocki a remporté l'élection présidentielle en Pologne ce dimanche 1er juin 2025. - Wojtek RADWANSKI / AFP
Le candidat est un historien nationaliste spécialiste du monde criminel, qui a obtenu le soutien du principal parti d'opposition Droit et Justice (PiS, conservateur) et de l'administration Trump.
Selon les chiffres de la commission électorale nationale, M. Nawrocki a remporté 50,89% des voix contre 49,11% pour M Trzaskowski lors du second tour de l'élection tenu dimanche, dont les résultats mettent en évidence la polarisation dans le pays membre de l'OTAN et de l'UE.
"Très bonne coopération"
Le président conservateur sortant Andrzej Duda a immédiatement félicité le gagnant. "Félicitations au vainqueur!", a-t-il écrit sur X remerciant les Polonais pour la forte participation qui s'est élevée à 71,63%. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a aussi félicité lundi Karol Nawrocki pour sa victoire, se disant "confiante" dans la poursuite d'une "très bonne coopération" avec Varsovie.
Le président allemand Frank-Walter Steinmeier a, lui, appelé les deux pays à "coopérer étroitement sur la base de la démocratie et de l'Etat de droit". Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a aussi salué sur X l'élection du candidat, ajoutant: "Nous sommes impatients de travailler avec vous". La présidente des députés d'extrême droite en France, Marine Le Pen, a vu une "bonne nouvelle" dans la victoire de justesse du candidat nationaliste Karl Nawrocki, pointant "un désaveu pour l'oligarchie de Bruxelles".
Victoire compromettante
Selon les analystes, la victoire de Karol Nawrocki risque de bloquer le programme progressiste du gouvernement concernant notamment l'avortement et les droits LGBT+ et pourrait raviver les tensions avec Bruxelles sur les questions liées à l'Etat de droit. Cette victoire pourrait aussi compromettre les liens étroits avec l'Ukraine voisine car M. Nawrocki critique les plans d'adhésion de l'Ukraine à l'UE et à l'Otan et souhaite réduire les avantages accordés aux réfugiés ukrainiens.
Avec son slogan "La Pologne d'abord, les Polonais d'abord", il a ciblé le million de réfugiés ukrainiens vivant dans le pays, membre de l'Otan mais également de l'Union européenne, envers laquelle il se montre aussi critique.
Pendant la campagne, Karol Nawrocki a aussi prôné la mise en place de contrôles à la frontière avec l'Allemagne afin d'empêcher l'entrée de migrants, refoulés selon lui par ce pays, et réclamé que Berlin verse à la Pologne des réparations pour la Deuxième Guerre mondiale. Dans l'espoir de séduire les électeurs d'extrême droite, M. Nawrocki a signé des engagements préparés par leur chef de file, Slawomir Mentzen.
Admirateur de Trump
Karol Nawrocki, qui est un admirateur de Donald Trump qu'il a rencontré à la Maison Blanche pendant sa campagne électorale, affirme avoir obtenu son soutien, que le président américain lui a dit: "Vous allez gagner". Cette rencontre a soulevé en Pologne des accusations d'ingérence américaine dans l'élection.
La ministre américaine de la Sécurité intérieure, Kristi Noem, a également apporté son soutien à M. Nawrocki lors d'un rassemblement conservateur fin mai en Pologne. "Il faut qu'il soit le prochain président", a-t-elle affirmé.
La nuit électorale a, en tout cas, été pleine d'émotions, les premiers sondages publiés après la fermeture des bureaux de vote donnaient une faible avance à son adversaire Rafal Trzaskowski. Après la publication de ces sondages, les deux candidats ont revendiqué la victoire. "Nous avons gagné", a déclaré M. Trzaskowski aussitôt après l'annonce des résultats des sondages, tout en soulignant que cela tenait sur "un fil du rasoir".
"Cette nuit, nous allons gagner, nous gagnerons et sauverons la Pologne", a assuré M. Nawrocki à ses partisans. "Nous ne permettrons pas que (le Premier ministre) Donald Tusk ait (...) le monopole du pouvoir."
"Valeurs catholiques"
En Pologne, le chef de l'Etat exerce une certaine influence sur la politique étrangère et de défense. Il dispose surtout d'un pouvoir de veto au niveau législatif, qui ne peut être annulé que par une majorité des trois cinquièmes au Parlement - ce dont ne dispose pas le gouvernement en place.
Plusieurs réformes prévues par le Premier ministre Donald Tusk, ancien président du Conseil européen arrivé au pouvoir en 2023, ont été bloquées en raison de l'impasse avec l'actuel président nationaliste en exercice Andrzej Duda.
De nombreux partisans de M. Nawrocki souhaitent davantage de restrictions en matière d'immigration et une souveraineté accrue de leur pays au sein de l'Union européenne. "Les valeurs catholiques sont importantes pour moi. Je sais qu'il les partage," a déclaré à l'AFP Lila Chojecka, une retraitée de Varsovie, qui a voté pour M. Nawrocki.
Les électeurs de Rafal Trzaskowski soutiennent plutôt une intégration accrue au sein de l'UE et une accélération des réformes sociales. Anna Materska-Sosnowska, analyste politique, a qualifié l'élection de "véritable choc de civilisations" en raison des importantes divergences de politiques entre les candidats.
Controverses de campagne
La victoire de Karol Nawrocki renforcera, selon les analystes, le parti populiste Droit et Justice (PiS) qui a gouverné la Pologne entre 2015 et 2023, et pourrait entraîner de nouvelles élections législatives.
La campagne de M. Nawrocki a souvent été éclipsée par des controverses concernant les circonstances dans lesquelles il a acquis un appartement et son passé de hooligan. Des médias ont divulgué qu'il avait acquis un appartement auprès d'un homme âgé à l'issue d'une transaction jugée opaque par des observateurs et ses opposants politiques. Le site d'informations Onet.pl a pour sa part publié une enquête explosive, affirmant qu'il était impliqué dans l'introduction de travailleuses du sexe dans un hôtel à Sopot (nord) à l'époque où il y travaillait comme gardien, il y a une vingtaine d'années. Il a nié ces allégations et qualifié l'enquête de "tas de mensonges".
Son opposition à l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan a suscité des critiques de la part de responsables ukrainiens. Karol Nawrocki a utilisé ses dernières heures de campagne vendredi pour déposer des fleurs au pied d'un monument dédié aux Polonais tués par des nationalistes ukrainiens pendant la Seconde Guerre mondiale. "C'était un génocide commis contre le peuple polonais", a-t-il déclaré.
La Pologne, pays de 38 millions d'habitants, est membre de l'UE et de l'Otan, avec une économie en croissance rapide, jouant un rôle de premier plan dans la diplomatie internationale autour de l'Ukraine. La majorité des armes occidentales et de l'aide destinées à Kiev transitent par son territoire.