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Montreuil: les habitants divisés face à l'œuvre d'un artiste visé par une enquête pour viols sur mineurs

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L'œuvre illuminée de Claude Lévêque à Montreuil est éteinte depuis janvier 2021 et l'ouverture d'une enquête contre lui, pour viols sur mineurs. Mais les habitants du quartier où est exposée l'œuvre veulent la rallumer.

C’est un conflit autour d’une œuvre d’art qui agite les habitants d’un quartier de Montreuil, en Seine-Saint-Denis. L’œuvre monumentale, conçue par le plasticien Claude Lévêque, est installée depuis 2015 sur une place du quartier de Bel-Air. Cette œuvre, trois larges cercles d’inox sertis d’ampoules déployés sur les piliers d’un vieux château d’eau, est presque invisible la journée mais s’illumine la nuit.

Mais depuis janvier dernier, c’est le blackout total. La municipalité de la ville a décidé de ne plus illuminer l’installation après les révélations de l’ouverture en 2019 d’une enquête pour viols et agressions sur mineurs de moins de 15 ans contre Claude Lévêque.

"Avec l’adjoint à la culture de la municipalité, nous avons demandé aux habitants leur avis", raconte sur RMC Haby Ka, élue du quarter de Bel-Air. "C’est une œuvre dans l’espace public, ce qui est compliqué. Certains voulaient l’enlever et d’autres la garder. Il nous semblait nécessaire, dans cette période de libération de la parole, de dire publiquement qu’on avait entendu les victimes en éteignant l’œuvre, malgré les débats".

Nouveau rebondissement il y a quelques jours : le conseil de quartier de Bel-Air a envoyé une lettre à la mairie lui demandant de rallumer l’installation. Pour ce comité, sans l’illumination, le quartier est devenu triste et lugubre. "Les habitants se sont approprié l’œuvre et l’apprécier ne signifie pas une quelconque forme de soutien à son créateur", assure le courrier.

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"On ne sépare pas l'homme de l'artiste"

"Cette lettre des habitants va nous faire relancer un processus avec la municipalité pour un nouveau positionnement", ajoute Haby Ka n’écartant pas l’idée d’un référendum, souhaitant impliquer le plus d’habitants possibles. "Il faut l’avis de tous les habitants. C’est un chantier que l’on va démarrer dans les prochaines semaines".

Alors faut-il encore une nouvelle fois s’interroger sur la séparation entre l’homme de l’artiste comme pour Roman Polanski, Paul Gauguin ou Louis Ferdinand Céline, et laisser cette œuvre éteinte? Pour l’économiste Pierre Rondeau, présent dans "Estelle Midi" ce mercredi sur RMC, il faut déjà ,dans le cas de Claude Lévêque, garder en tête la présomption d'innocence: "Il est accusé mais il n'est pas condamné. Tant qu'il ne l'a pas été, on n'a pas le droit de tuer médiatiquement un artiste parce qu'on le soupçonne de cas très graves".

"Les artistes sont régulièrement mis en cause mais tout d'abord, on ne sépare pas l'homme de l'artiste. C'est une seule et même personne", lance de son côté Catherine Rambert. "Ici, on parle de faits pour lesquels une enquête est en cours et qui datent des années 80. Il y a donc prescription", rappelle-t-elle.

De son côté, Thierry Moreau évoque une municipalité adoptant une position "faux-cul". "Ils éteignent l'œuvre mais ne l'enlèvent pas!". Et pour cause, la commune à un contrat de 25 ans avec l'œuvre et doit en payer l'entretien.

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G.D.