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"Si on n'en parle pas, on n'avancera pas": l'enjeu du documentaire Netflix sur Bertrand Cantat

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Jeudi 27 mars était diffusé pour la première fois le documentaire "De rockstar à tueur: le cas Cantat". Une oeuvre essentielle pour les co-réalisateurs Anne-Sophie Jahn et Nicolas Lartigue au regard du nombre de féminicides enregistré en France.

Un documentaire consacré à Bertrand Cantat a rejoint le jeudi 27 mars la bibliothèque de Netflix. Intitulé "De rockstar à tueur: le cas Cantat", l'oeuvre en trois volets, réalisée par Anne-Sophie Jahn et Nicolas Lartigue intervient 22 ans après la mort de Marie Trintignant.

Un travail nécessaire au regard du symbole que porte ce dossier. "C'est une des plus grandes affaires de féminicide en France", avance Anne-Sophie Jahn au micro de RMC.

"Le nombre de féminicides ne baisse pas dans le pays: il y a une femme sur dix qui est battue par son compagnon, c'est absolument énorme", ajoute-t-elle, décrivant "un sujet brûlant d'actualité".

Pour la co-réalisatrice, le documentaire est plus que nécessaire. L'affaire Bertrand Cantat doit être posée sur la table et décortiquée.

"Si on s'interdit d'en parler, on n'avancera jamais. Il faut collectivement accepter de parler de ces affaires, car tout commence par la parole. Le silence, dans ces affaires en particulier, est criminel et met les femmes en danger", lance-t-elle.

"Il y a plusieurs affaires Cantat"

Dans ce projet diffusé sur Netflix, Bertrand Cantat ne témoigne pas. Un choix éditorial de l'équipe qui s'y est consacré.

Les détails de l'affaire sur la mort de Marie Trintignant, rouée de coups par le chanteur en 2003, prennent à nouveau la lumière, notamment son traitement médiatique particulièrement critiqué, qui évoquait alors un accident ou un drame passionnel.

Anne-Sophie Jahn précise d'ailleurs que le documentaire n'est pas à charge contre Bertrand Cantat, mais "à charge contre les journalistes", qui n'ont pas saisi l'ampleur de l'affaire au moment des faits.

La personne de Krisztina Rády est particulièrement importante en ce sens. L'épouse du chanteur, mère de ses deux enfants, l'avait soutenu lors de son procès, prétendant qu'il n'avait jamais été violent avec elle pour le protéger. Elle s'est suicidée en 2010.

"Il n'y a pas qu'une affaire Cantat mais plusieurs", indique Anne-Sophie Jahn, qui revient sur les circonstances troublantes de la mort de Krisztina Rády et le manque de considération à son égard.

"On l'a totalement oubliée, quelque part. C'est celle qui a été totalement effacée de l'affaire (...) Elle a été complètement ignorée. On voit les titres à l'époque, au moment de sa mort, et c'est affligeant", déplore la réalisatrice.

Le retour controversé du chanteur

Ce documentaire donne la parole aux proches de Marie Trintignant, à l'instar de la chanteuse Lio. Il permet aussi de revenir sur l'après-procès.

Le 29 mars 2004, Bertrand Cantat est condamné par la justice lituanienne à 8 ans de prison pour "meurtre commis en cas d'intention indirecte indéterminée" pour avoir tué Marie Trintignant. Il ne purgera que la moitié de sa peine.

Des années plus tard, il revient sur scène et continue de faire de la musique avec son groupe Détroit. En 2017, il fait la couverture du magazine des Inrocks, ce qui a particulièrement créé la division en marge du mouvement MeToo. En décembre 2024, il sort un nouvel album.

Le chanteur compte encore des fans. Une constatation surprenante ? "Le curseur est sur : peut-on aller applaudir et idolâtrer quelqu'un sur scène, sachant ce qu'il a fait ?", questionne Nicolas Lartigue.

"Le documentaire n'est pas là pour juger ceux qui aiment sa musique", complète Anne-Sophie Jahn. "On ne tranche pas ce débat. On pose énormément de questions, on a pas les réponses, car c'est un choix qui revient à chacun", conclut-elle.

Mélanie Hennebique