Plombé par Vigipirate, un patron de bar attaque l'Etat: "15 ans d’économie envolées en trois mois"

- - -
Philippe Da Fonte, ancien patron du Clovis:
"Après les attentats de Charlie Hebdo, tout le quartier a été bouclé. Dès le lendemain des attentats, la police a installé des barrières sur 150 mètres, plus personne ne pouvait stationner, on n'avait même pas le droit d’emprunter le trottoir, les piétons étaient éjectés. C’était une zone sinistrée, une zone de guerre. Du coup, la clientèle ne pouvait plus s’arrêter, et allait chercher ses cigarettes et ses journaux ailleurs.
Le fait de voir six militaires armés de Famas, ça faisait hyper peur. J’ai eu le plan Vigipirate 24h/24h de janvier à juin 2015. Mon chiffre d’affaires a été plombé aussitôt. Fin janvier, j’avais déjà une perte énorme, je vendais quatre ou cinq cartouches par jour. Après on a tapé dans la trésorerie. Et, arrivé au moins de mai, on n’avait plus un sou. Les banques nous ont dit qu’il fallait arrêter.
"Une chute de chiffre d’affaires entre 25.000 et 30.000 euros par mois"
L’expert vient d’estimer que le fait d’avoir la rue bloquée, en comparant aux chiffres d’affaires de 2013 et 2014, avait entraîné une chute de chiffre d’affaires entre 25.000 et 30.000 euros par mois. Pour un petit établissement comme nous, c’est énorme. Donc on a été liquidé. Et aujourd’hui il n’y a plus rien du tout.
Je suis parti avec ma valise, mes trois maillots. Plus de boulot, plus de voiture, plus rien. Aujourd'hui, on vit comme on peut. C’est parce qu’ils n’ont pas voulu m’écouter à l’époque. Ils se sont dits que j’étais un petit, que je faisais mes 500.000 ou 600.000 euros de chiffre d’affaires annuel, qu'un procès allait me coûter beaucoup d’argent, que j'abandonnerai. Et il s’avère que non.
"On ne peut pas envoyer un commerce à la faillite comme ça"
Ce que je reproche, c’est que le gouvernement a sécurisé la synagogue, tout en se foutant complètement de mon établissement. Bien avant la liquidation, j’ai envoyé un courrier à Valls, à Hollande… On a reçu des réponses, mais elles ne servaient strictement à rien. J’ai demandé rendez-vous au maire de Reims, lui c’est pareil, il n’a pas voulu me recevoir. J’ai demandé au sous-préfet, il n’a pas voulu me recevoir non plus. Personne n’a voulu écouter mes problèmes jusqu’au jour où mon cas a été médiatisé. Là, ils ont commencé à se poser des questions.
J’avais trois brigades de six militaires 24h/24. C’est énorme. Alors que les attentats se sont passés à Charlie Hebdo! Pas à Reims. Je suis contre les attentats évidemment. Mais bon, j’estime aussi qu’on ne peut pas envoyer un commerce à la faillite comme ça. Je travaille depuis mon plus jeune âge. J’ai mis 15 ans à mettre de côté pour m’acheter un petit établissement pour démarrer. Ces 15 ans d’économie se sont envolés en moins de trois mois. Mes comptes ont été bloqués. Je n’ai plus rien du tout."