Annulation de l'OQTF de l'influenceur algérien Doualemn: Bruno Retailleau "n'aura pas gain de cause"

Le tribunal administratif de Melun a annulé jeudi soir l'OQTF visant l'influenceur algérien Doualemn, ce dernier étant sorti de rétention. Bruno Retailleau a annoncé son intention de "faire appel" de cette décision et compte "continuer la procédure d'expulsion". Sauf que pour Vanessa Edberg, avocate spécialisée en droit des étrangers, le ministre de l'Intérieur "n'a aucune chance d'obtenir gain de cause". Doualemn "est inexpulsable au regard" de la réglementation de l'UE et "ses attaches avec la France", a-t-elle affirmé ce vendredi sur RMC.
Crise diplomatique avec l'Algérie
Pour rappel, Doualemn, ressortissant algérien de 59 ans aux 168.000 abonnés sur TikTok, avait été interpellé le 5 janvier à Montpellier, et placé en rétention. Dans une vidéo sur TikTok, il avait tenu des propos, au sujet d'un opposant au régime algérien, qui avaient fait l'objet de traductions fluctuantes, initialement présentées par les autorités françaises comme un appel au meurtre. Celle retenue par la justice relevait une incitation à "attraper" un homme et lui infliger une "correction sévère".
Le préfet de l'Hérault avait estimé que ses propos justifiaient le retrait de son titre de séjour et son expulsion. Transféré vers Paris, il avait été mis dans un avion vers l'Algérie. Puis son renvoi en France par les autorités algériennes à son arrivée sur leur sol, le 9 janvier, avait provoqué une crise diplomatique entre la France et l'Algérie, Bruno Retailleau y voyant une "humiliation". Depuis son retour en France, Doualemn était placé au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne).
La procédure "n'était pas la bonne"
Bruno Retailleau "a utilisé une procédure exceptionnelle d'expulsion en urgence absolue qui nécessite que l'individu constitue une menace pour la sécurité nationale". Or, "il est sorti de garde à vue sans même un contrôle judiciaire car il ne constituait pas une menace à l'ordre public et encore moins à la sécurité nationale", rappelle Vanessa Edberg. "Le tribunal administratif a donc décidé d'annuler cette procédure".
Le 29 janvier, le tribunal administratif de Paris avait suspendu en référé l'expulsion de "Doualemn" vers l'Algérie, au motif que la procédure d'urgence utilisée par le ministre de l'Intérieur n'était selon lui pas justifiée. Selon Vanessa Edberg, la "procédure employée n'était pas la bonne", qui aurait dû être celle d'une OQTF "classique".
La situation de Doualemn réexaminée d'ici trois mois
Pour autant, même si celle-ci était appliquée, Doualemn reste "inexpulsable", affirme l'avocate, rappelant que la France est tributaire des "normes européennes, invoquant le droit communautaire, la directive retour et la Convention européenne des droits de l'Homme. Et de rappeler aussi "ses attaches" envers la France, puisque Doualemn réside régulièrement en France depuis 15 ans avec un titre de séjour, aux côtés de ses deux enfants et sa compagne française.
Dans sa décision rendue jeudi, le tribunal administratif "enjoint à l'autorité préfectorale de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant le temps de ce réexamen". L'influenceur algérien bénéficie également d'une indemnité de 1.200 euros. "Il y a des points sur lesquels on doit changer la loi", a régi Bruno Retailleau sur LCI, plus tard dans la soirée. "Aujourd'hui, on a quantité de règles juridiques qui ne protègent pas la société française.
"Démonstration humiliante de l'application de la loi"
"Avant de blâmer la loi, il faut déjà savoir bien l'appliquer", rétorque Vanessa Edberg. Bruno Retailleau "a fait une démonstration humiliante de l'application de la loi. La procédure "classique" de l'OQTF n'aurait peut-être pas permis d'expulser l'influenceur algérien, selon elle, mais aurait permis, tout au moins, "un examen sérieux de cette demande d'expulsion, ce qui n'a pas été le cas".