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Attaque des Champs-Elysées: "on n’a pas de kalachnikov, notre seule arme c’est le vote et il faut l’utiliser"

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Le thème du terrorisme est de retour dans la campagne depuis qu’un homme a tué un policier jeudi soir sur les Champs-Elysées. Au point que certains électeurs redoutent de se rendre aux urnes dimanche pour le premier tour de la présidentielle. Selon Emmanuel Domenach, administrateur de l’association de victimes du13 novembre, 13onze15, se serait la pire chose à faire.

Emmanuel Domenach, administrateur de l’association 13onze15.

"A ceux qui redouteraient d’aller voter dimanche, je dis qu’il ne faut céder ni à la peur, ni à la haine. Le but de l’Etat Islamique c’est justement de nous faire réagir et de nous faire réfléchir avec la peur. C’est tout le contraire qu’on doit faire, même si je sais que ce n’est pas facile. Moi-même jeudi soir, j’ai revécu des moments terribles: je sais ce que c’est d’avoir une montée de larmes, je sais ce que c’est que de perdre quelqu’un. Mais pour autant on doit rester fort, nos valeurs doivent rester fortes.

Si on recule là-dessus, si on agit avec notre peur, on va donner raison à l’Etat Islamique. On va se diviser, et le terrorisme n’existe que grâce à la division, à la désunion. S’il n’y a pas de division, il n’y a pas de terrorisme. C’est là-dessus qu’il faut qu’on soit fort, il ne faut pas qu’on se laisse influencer par l’Etat Islamique.

"On a plus de risque de mourir à cause d’un accident de voiture que d’un acte terroriste"

On ne peut pas garder la tête froide dans ces moments là, évidemment. Mais les conseils sont simples: prendre du recul, se renseigner. Mais ne pas se dire que le terrorisme doit être le centre du monde. On doit continuer à vivre notre vie. C’est horrible à dire, mais on a plus de risque de mourir à cause d’un accident de voiture que d’un acte terroriste. Il faut qu’on se rappelle qu’on a une société forte. Une République qui a des valeurs exceptionnelles. Qui est fondée sur l’entraide, la solidarité. Et je trouverais dramatique de revenir là-dessus.

Il ne faut pas oublier tout ce qu’on a construit ensemble, tout ce qui fait la force de cette société. Il ne faut pas oublier cette fraternité qui nous constitue. Et c’est grâce à ça qu’on s’en sortira.

Si les gens ont peur, il faut qu’ils sachent que moi le 13 novembre, des gens m’ont tendu la main. Des gens originaires d’Algérie, ou des pays de l’Est. Pourquoi? Parce que cette entraide est dans l’ADN de notre nation.

Ceux qui ont peur doivent savoir que même dans les moments les plus noirs, il y aura toujours une main tendue. Ce n’est pas en rejetant l’autre qu’on fera quoi que ce soit.

La lutte contre le terrorisme demande du recul, de la réflexion. Elle ne demande pas d'effets d’estrade médiatique ou des phrases à l’emporte-pièce. Ça ne sert à rien de dire qu’on va exclure untel, ou de mentir sur les faits. Il faut se dire que la lutte contre le terrorisme va être longue. Que ça va supposer beaucoup de réflexion, et des gens qui sont capables d’agir, parfois dans l’ombre des médias.

Il faut se méfier des gens qui cherchent à nous terroriser en disant que demain, nous allons mourir dans un acte terroriste. Ça peut arriver, je suis le premier à le savoir. Mais ça ne doit pas guider notre réflexion, sinon ça veut dire qu’on a perdu. Et je crois que ça serait pire que tout ce qu’on a vécu depuis deux ans. 

"En votant, on portera les valeurs que Daesh déteste tant"

Pour nous aussi c’est une question majeure. Mais ça ne doit pas être la question centrale. On a quand même d’autres soucis. Le chômage, l'éducation. Le terrorisme n’est pas qu’une question sécuritaire, c’est l’agrégat de toutes ces questions. Quand des jeunes français décident de tirer sur d’autres Français au Bataclan, ou de tirer sur des policiers aux Champs-Elysées, c’est aussi une défaite de notre éducation. Ce n’est pas parce que demain on expulse la moitié de la France qu’on n’aura plus de terrorisme.

Moi aussi j’ai peur d’aller voter. On n’a pas de kalachnikov, on n’a pas de grenade, on ne tire pas dans le dos des policiers, on n’est pas des lâches. Notre seule arme c’est le vote et il faut qu’on l’utilise, parce que si on capitule devant les barbares de Daesh, on ne vaut pas mieux qu’eux. En votant, on portera les valeurs qu’eux détestent tant".

Antoine Maes