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Ex-gynécologue accusé de viols et agressions sexuelles: "Il prenait du plaisir", témoigne une plaignante

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TÉMOIGNAGE RMC. Une victime présumée de l’ancien gynécologue de Domont témoigne pour la première fois sur RMC. Elle est l’une des 133 femmes qui portent plainte contre le praticien, pour viols et agressions sexuelles, dont il devra répondre devant la Cour Criminelle du Val-d'Oise. Âgé de 74 ans, lui assure avoir exercé la gynécologie avec douceur selon une méthode courante au Vietnam, son pays d’origine.

Julia* a 17 ans quand pour la première fois, elle prend rendez-vous chez un gynécologue à Domont, dans le Val-d'Oise, en 2013 pour un contrôle de routine et pour évoquer la contraception. Elle se rend à la consultation accompagnée de sa maman, mais arrivée au cabinet, le médecin lui demande d’attendre dans la salle d’attente pendant qu’il s’entretient avec l’adolescente. Julia raconte qu’il lui demande de se déshabiller et de monter sur la balance pour vérifier son poids. Elle s’exécute, mal à l’aise.

"Il m’a attrapée par les fesses pour me faire monter sur la balance à ce moment-là", raconte-t-elle, avant de la faire s’allonger sur la table d’auscultation. "Il m’a touché les seins pendant quelque temps avec ses deux mains. Il n’a jamais mis de gants. J’ai compris plus tard, lors d’une consultation gynécologique, que ce n’était pas un palper médical".

“Je n’ai jamais pu revoir un gynécologue homme"

Et quand le praticien débute l’auscultation de la zone intime, Julia est tétanisée. “Je tremblais. Il a commencé à toucher, longtemps, avant de faire des mouvements de va-et-vient. En même temps, il avait sa main sur ma cuisse. L’ambiance était très malsaine, pendant qu’il touchait, ça semblait excitant pour lui. Il éprouvait du plaisir.”

À partir du moment où Julia rejoint sa mère, le gynécologue déroule la fin de consultation de manière normale. Mais pour la jeune fille, le mal est fait. “Ma maman, et je ne la blâme pas, n’a pas mesuré ce qu’il s’était passé. Pendant plusieurs mois, j’étais moi-même dans le déni.” Tout lui revient lorsqu’elle a ses premières relations amoureuses.

“J’ai eu certains blocages avec mon copain de l’époque. Je me suis alors tournée à nouveau vers ma mère, j’ai réussi à lui parler en détails de ce qu’il s’était passé et elle a été perturbée.” Les deux femmes se tournent vers leur médecin de famille, qui rétorque que le gynécologue est connu depuis plusieurs années pour des faits similaires. “C’est quand la police est venue toquer à ma porte que j’ai porté plainte.”

Les faits décrits par Julia ont eu, selon elle, de nombreuses répercussions sur sa vie intime et sa vie de couple. Pendant une dizaine d’années, la jeune femme se braque. “Je n’ai jamais pu revoir un gynécologue homme. Seulement des femmes, et ce, après plusieurs années.”

“Certaines victimes avaient 20 ans, d’autres plus de 70 ans…”

Les années passent. Et comme Julia, plus d’une centaine de femmes sortent du silence. 133 au total. Franck Lévy est avocat au barreau des Deux-Sèvres, il défend aujourd’hui 40 de ces femmes. Les premières plaintes remontent à 2007, l’instruction a duré plus d’une décennie. “C’est à partir de 2013 que la justice se saisit de ce dossier. Parmi les femmes que je représente, certaines victimes avaient 20 ans au moment des faits, d’autres plus de 70 ans… Elles sont de tout milieux sociaux, avec des métiers complètement différents”, explique-t-il.

Mais selon l’avocat, toutes ont un même but: "Elles attendent d’être reconnues comme victimes de ce gynécologue, elles attendent aussi d’être entendues parce que ça fait depuis 2014 que toutes ont déposé plainte et qu’il n’y a pas eu grand-chose de fait pour les entendre. On sent chez elles une perte de confiance dans la justice.”

L’espoir d’un procès

Franck Lévy aussi regrette que sur d’autres affaires d’ampleurs, comme celle de Joël Le Scouarnec par exemple, les moyens aient été mis en œuvre, mais pas concernant les victimes présumées de l’ancien gynécologue de Domont. “C’est un dossier qui a dormi pendant des années et il a fallu attendre que des médias s’y intéressent et que des avocats, dont moi, fassent des actes pour donner vie à ce dossier”, assure-t-il. Si le conseil reconnaît que la juridiction de Pontoise est en souffrance, en manque de moyens, pour lui ça n’explique pas tout.

“C’est un dossier tentaculaire qu’on a confié à un seul juge d’instruction pendant des années. Six juges d’instruction se sont relayés depuis le début de cette affaire. C’est un dossier où on nous a un peu oublié.” L’avocat émet désormais une crainte, celle que le procès n’ait pas lieu dû à l’âge du prévenu: "Je souhaite qu’on accélère les choses. Mr T. n’est pas jeune et j’aimerais qu’on ait un débat face à lui dans une enceinte judiciaire. Lors de ses auditions, il ne veut pas débattre, mais les victimes veulent qu’il leur explique en quoi ses actes sont des actes médicaux et qu’elles puissent, si elles le souhaitent, lui répondre”, conclut-il.

Un procès, c’est aussi l’espoir qu’entretient Julia. “Savoir que ce mec-là a pu exercer pendant autant d’années… Il a plus de 70 ans maintenant donc je pense que je n’étais pas la première victime. Il y a du soulagement, mais aussi du dégoût de se dire que des centaines de femmes sont passées sous ses mains. J’attends vraiment qu’il soit condamné pour ce qu’il a fait.”

“Elles sont poussées et incitées à déposer plainte, comme on le verra au procès”

L'avocat de l’ancien gynécologuen, Maître Jean Chevais explique que son client, originaire du Vietnam, applique une “méthode asiatique” et qu’il nie tous les faits qui lui sont reprochés. “Sa ligne de défense est très simple, c’est qu’il exerce de façon calme, douce, qu’il fait les choses comme elles doivent être faites et qu’il prend le temps nécessaire. Il ne fait pas comme certains professionnels qui lors des touchers vaginaux mettent un doigt et le ressortent aussi, par peur des complications.”

Le conseil du gynécologue accuse un ressenti de la part des plaignantes qui se sont manifestées et dénonce des incitations à déposer plainte du côté des victimes présumées. “Elles sont poussées et incitées à déposer plainte, comme on le verra au procès. Je ne blâme pas les femmes, ce sont des femmes qui ne connaissent pas le métier de gynécologue et qui agissent avec leur ressenti". Il dénonce aussi un acharnement sur son client.

"Certaines se plaignent, pourtant elles sont venues quinze fois, vingt fois, trente-neuf fois".

Jean Chevais rappelle aussi que l’ancien gynécologue de Domont est un professionnel. “Il y a certains cas, heureusement qu’il était là, il a sauvé des enfants, des femmes avec un début de cancer du sein. Il a réussi à déceler la maladie parce qu’il fait les choses comme elles doivent être faites", explique l’avocat avant de marteler: "Il fait son travail et a dit que s’il devait recommencer, il le ferait parce que c’est la seule façon d’examiner correctement les personnes".

Des arguments balayés par le conseil de plusieurs plaignantes. “Il n’y a pas de complot. C’est toujours la même chose. C’est ce qui est hallucinant dans ce dossier, les victimes ne se connaissent pas, il n’y a pas de stratagème, elles ne se sont pas réunies un soir pour déposer plainte contre lui, toutes décrivent la même chose!”, vocifère Franck Lévy.

Le praticien est présumé innocent. Dans son ordonnance de mise en accusation datant du 3 mars 2025 que RMC a pu consulter, le gynécologue est renvoyé devant la cour criminelle du Val-d'Oise pour viols et agressions sexuelles. Des faits pour lesquels il risque jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle. Le procès ne devrait pas avoir lieu avant l’année prochaine.

Constance Bostoen