"Mon fils est drogué": après le meurtre de Louise, l'addiction au jeu Fortnite en question

Après être passé aux aveux, Owen L., qui a reconnu avoir tué Louise, 11 ans, a été mis en examen mercredi pour meurtre sur mineure de moins de 15 ans. Selon les premiers éléments, il aurait agi après une défaite sur le jeu vidéo Fortnite. Pris d'une violente colère, il serait sorti dans le but de se calmer et de racketter quelqu'un et serait alors tombé sur Louise qui sortait du collège.
Nombre de ceux qui l'ont croisé décrivent Owen L. comme accro aux jeux vidéo et notamment Fortnite, un jeu en ligne où 100 joueurs s’affrontent jusqu’au dernier survivant dans un monde "cartoonesque", sans hémoglobine. Le système de jeu est très addictif, crée de la frustration, de la tension avec les autres joueurs. C'est d’ailleurs après une altercation en ligne que le suspect se serait mis en colère.
"Chez les sujets qui ont des éléments de personnalité et de développement mental particulier et qui sont dans l'incapacité par une impulsivité majeure de gérer une frustration et le fait de perdre, c'est un jeu qui va créer des situations catastrophiques", assure à RMC Philippe Batel, psychiatre et addictologue.
"Changement radical d'attitude"
David, 50 ans, a 5 enfants et son dernier de 9 ans joue depuis 6 mois à Fortnite: "On a vu un changement radical d'attitude alors qu'on a mis des contraintes de temps de jeu. Malgré tout c'est catastrophique, il parle mal à sa sœur alors que c'était un enfant adorable qui adorait le sport".
Il l'assure, le basculement s'est fait quand il a eu la Playstation 5 puis Fortnite: "Le jeu en lui-même n'est pas violent mais quand les joueurs parlent entre eux, enfants, adultes, c'est catastrophique".
"Il a moins envie d'aller à l'entraînement de foot. Ses amis aussi ne parlent que de Fortnite, sont plus agressifs. A l'école il est moins sérieux. Pour moi il est drogué. On est allé voir un psy qui nous a dit de réduire la console forcément", ajoute David, sur RMC Story.
"Manière perverse"
"Je vois des familles désemparées, des jeunes qui n'arrivent pas à réguler leur comportement", explique Anne-Lise Ducanda, médecin, spécialiste des enfants et adolescents surexposés aux écrans et fondatrice du "Collectif surexposition écrans".
Dans Fortnite, "il y a des mécaniques qui vont de manière perverse vous faire consommer un maximum", abonde sur RMC-BFMTV Michaël Stora, psychologue et fondateur de l’observatoire des mondes numériques en sciences humaines.
"Ça stimule avec un circuit de la récompense. Le cerveau fait de la dopamine et l'enfant réclame de plus en plus de jeux vidéo pour avoir la même dose de plaisir", abonde Anne Lise Ducanda.
Les jeux vidéo pas responsables des passages à l'acte?
Mais c'est bien la personnalité du suspect Owen L. qui est en cause pour le Docteur Olivier Phan, qui suit des adolescents accros à Fortnite: "Je n'ai jamais connu d'actes envers des personnes physiques, ils s'en prennent plutôt à des objets. Ça ne va pas plus loin que de briser sa manette ou son ordinateur. Il y a des millions de joueurs, il faut une personnalité particulière pour en venir à tuer une personne physique".
"Il n'y a pas de causalité", abonde le psychologue et psychanalyste Michaël Stora. Dans le cas d'Owen L. c'est "une décompensation psychotique après avoir été insulté par d'autres joueurs ce qui est commun dans Fortnite", poursuit le praticien.
Olivier Phan rappelle lui que les dernières études scientifiques en la matière, n’établissent pas de lien de cause à effets entre jeux vidéo et violence. De son côté, le syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL) assure que "l'industrie du jeu vidéo est choquée" et martèle: "Les jeux vidéo ne rendent pas violent et restent des œuvres de divertissement au même titre que le cinéma, le théâtre et la musique".
Epic Games, développeur du jeu Fornite, précise que lorsqu’un joueur français crée un compte Epic et indique qu'il a moins de 15 ans, il ne peut pas accéder à certaines fonctionnalités, comme le chat vocal ou textuel, tant qu'un parent n'a pas donné son accord. “Une fois qu'ils l'ont fait, nous offrons un contrôle parental de pointe, y compris des limites de temps et la possibilité de gérer les personnes avec lesquelles l'enfant peut communiquer”, assure le studio à RMC.
Epic Games souligne par ailleurs que les règles du jeu interdisent formellement le harcèlement et “que les joueurs peuvent signaler, bloquer ou mettre en sourdine d'autres joueurs”.