"On n'a pas les moyens d'êtres sévères": une magistrate veut le retour des courtes peines pour mineurs

Après la mort d'Elias, 14 ans, tué d'un coup de couteau vendredi à Paris, lors d'une tentative de vol de son téléphone, les autorités veulent réagir vite. Hasard du calendrier, une proposition de loi sur la justice des mineurs doit commencer son examen lundi à l'Assemblée nationale. Cette dernière, portée par l'ex-Premier ministre redevenu député Gabriel Attal, veut notamment durcir les conditions pour les délinquants de 16 à 18 ans.
Deux mesures concernent spécifiquement les mineurs de plus de 16 ans: d'abord la création d'une comparution immédiate pour des faits graves et en cas de récidive. Puis, une possibilité plus grande pour le juge de ne pas prendre en compte l'excuse de minorité pour les cas les plus graves.
Car les deux mineurs interpellés suspectés d'être à l'origine de la mort d'Elias, étaient connus de la justice. Ils avaient tous les deux étés présentés à la justice le 30 octobre 2024 pour des faits de vol avec violence et devaient comparaître en juin 2025 pour les mêmes faits.
La pédagogie de la sanction "tout de suite" pour les mineurs
C'est sur ce volet donc que les autorités veulent faire évoluer la justice. "Actuellement, on dit aux mineurs, 'revenez dans 6-9 mois et on vous donnera la peine'", explique ce lundi sur RMC et RMC Story Béatrice Brugère, magistrate et secrétaire générale du syndicat Unité magistrats FO.
"Pour un mineur c'est tout de suite qu'il faut la pédagogie de la sanction. On confond travail éducatif et réponse judiciaire, il faut faire l'inverse. Il faut donner la peine puis enchaîner par un travail éducatif. Là on a deux audiences, un temps trop long et on n'a pas de mesures assez contenantes", poursuit-elle.
"310 condamnés à de la détention sur 42.000 passés devant un juge"
"Il faut des courtes peines de détention pour contenir et que les mineurs comprennent la sanction", insiste Béatrice Brugère qui évoque en 2023 122.000 mineurs poursuivables, 42.400 passés devant un juge, puis 770 mineurs condamnés à de la détention et parmi eux, 450 en détention provisoire et 320 simplement en exécution de peine.
"Donc 310 condamnés à de la détention sur 42.000 passés devant un juge. Il y a un décalage total entre la réponse et le contenu de la réponse pénale", déplore la magistrate.
Elle estime que le problème est dans le titre de la proposition de loi de Gabriel Attal, "visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents". "Cette proposition de loi reconnaît qu'ils n'ont même pas peur. On parle de mineurs déjà sous la main de la justice, qui ont des obligations et n'ont même pas peur", alerte Béatrice Brugère.
Une proposition dangereuse selon l'opposition
Cette loi est préparée de longue date. Gabriel Attal avait évoqué ces mesures lorsqu'il était Premier ministre. Les députés macronistes l'assurent: ce n'est pas une réaction sur le coup de l'émotion après le meurtre du jeune Elias.
Mais dans ce contexte, l'examen du texte prend une tournure encore plus politique. Le rapporteur du texte défend des mesures selon lui "toujours d'actualité". Les socialistes et le reste de la gauche sont eux vent debout et dénoncent des propositions dangereuses, à l'encontre des principes de la justice des mineurs. En commission ils avaient d'ailleurs obtenu le rejet de ces propositions.
De toute façon, la justice n'a pas les moyens assure Béatrice Brugère: "On est trop lents, on ne peut pas faire d'audiences plus rapide et on ne peut pas mettre en détention pour de courtes peines".