Ils déposent la première plainte en France contre l'obsolescence programmée

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Samuel Sauvage est le président co-fondateur de l'association Hop, Halte à l'obsolescence programmée.
"On a lutté pour la création de ce délit d'obsolescence programmée. Mais depuis, il n'y avait pas de plainte, pas de manière de rendre effectif ce droit. Nous avons travaillé sur beaucoup de produits pour déceler des possibles cas d'obsolescence programmée. Et il y en a une assez grande variété. Sur les imprimantes, il nous semble qu'il y a des éléments assez tangibles sur lesquels on pouvait attirer l'attention du procureur.
Ce délit n'existe que depuis 2015, c'est assez récent. Mais bien qu'on parle beaucoup de l'obsolescence programmée dans les médias, cela nous a surpris qu'il n'y ait pas de plainte citoyenne. Nous avons donc décidé de prendre nos responsabilités. Nous avons enquêté. Nous avons rencontré des réparateurs, nous avons-nous-mêmes démonté des imprimantes… Et quand on a jugé qu'on avait suffisamment d'éléments nous avons déposé cette plainte.
"On ne voit pas de justificatif à ce que ces imprimantes soient déclarés en fin de vie alors qu'elles ne le sont pas"
L'obsolescence programmée c'est l'ensemble des techniques qui permettent de raccourcir la durée de vie d'un produit. En l'occurrence, ce sont des cartouches qui indiquent qu'elles sont vides alors qu'elles ne le sont pas. Des tampons absorbeurs d'encre qui disent qu'ils sont en fin de vie alors qu'en réalité on peut le réinitialiser et faire durer l'imprimante pendant encore un an ou deux. On pense qu'il y a matière à juger qu'il s'agit d'obsolescence programmée.
La principale difficulté sur ce type de plainte c'est de démontrer l'intentionnalité de l'obsolescence programmée. Selon nous, il est vraisemblable qu'il y ait une intention de réduire la durée de vie de ces produits. On ne voit pas de justificatif à ce que ces imprimantes soient déclarés en fin de vie alors qu'elles ne le sont pas. Nous jugeons que le motif doit être probablement de vendre davantage d'imprimantes, de renouveler plus souvent la flotte.
"Ils mettent à la décharge des produits simplement parce qu'ils ont été attiré par la nouveauté d'un nouveau modèle"
La responsabilité est partagée. On pointe du doigt les fabricants. Mais les consommateurs, au lieu de réparer un produit, le mettent à la poubelle. Bien souvent, ils mettent à la décharge des produits, notamment les téléphones, simplement parce qu'ils ont été attiré par la nouveauté d'un nouveau modèle. Ce sont des modalités d'obsolescence programmée plus subtils, qui jouent sur la publicité, sur les mécanismes psychologiques des consommateurs, mais sur lesquels on ne peut pas fonder de plainte.
Il y a une grande variété de produits sur lesquels il y a de l'obsolescence programmée. Notamment tous les petits produits de l'électroménager quotidien: les bouilloires, les grille-pains, en allant jusqu'au lave-linge. On est sur des produits qui ont une durée de vie de plus en plus courte. Regardez les collants: les femmes sont témoins qu'ils filent très rapidement après quelques utilisations. Alors qu'on est capable de produire des collants durables.
On a l'impression qu'il y a une résignation. Que les gens se disent 'c'est comme ça, c'est le progrès, les choses maintenant sont jetables'. En réalité, il faut se rendre compte de toute l'énergie nécessaire pour produire ces objets. De tous les objets qui s'accumulent ensuite dans les décharges. C'est une société du déchet qu'il faut condamner. Si on était capable il y a quelques années de produire des objets durables, pourquoi avec toute la recherche en développement que nous avons, on ne serait pas capable techniquement de le faire?"