Injections illégales de botox: deux sœurs condamnées à de la prison ferme et du sursis

Deux soeurs, très présentes sur les réseaux sociaux, ont été condamnées mercredi à Valenciennes (Nord) à de la prison ferme et du sursis pour des centaines d'injections illégales de botox et acide hyaluronique.
L'aînée, une esthéticienne de 25 ans qui se présentait comme "Dr Lougayne" sur les réseaux sociaux, a été condamnée à quatre ans de prison, dont trois avec sursis pour "mise en danger d'autrui" ou encore "exercice illégal de la profession de médecin". Le tribunal correctionnel a demandé son maintien en détention, estimant qu'il n'y avait "pas assez de réflexion par rapport à la gravité des faits".
Sa cadette de 22 ans, qui a reconnu l'avoir assistée, a quant à elle été condamnée à deux ans de prison avec sursis. Le tribunal a suivi les réquisitions du parquet, qui avait comparé les injections à un "trafic de stupéfiant". L'avocat de la défense, Me Julien Bensoussan, soulignant que sa cliente avait reconnu les faits et compris leur gravité, a dénoncé une décision "scandaleuse", indiquant réfléchir "sérieusement" à un appel.
Le tribunal avait listé à l'audience les séquelles présentées par certaines des 30 parties civiles: abcès au menton nécessitant une opération d'urgence, éruption cutanée sévère, bouche partiellement paralysée, paupières tombantes, boules ou tâches sur les lèvres.
Des clients défigurés
Cheveux noirs sagement tirés en arrière et lèvres gonflées à l'acide hyaluronique, les deux soeurs ont assuré avoir voulu "embellir" leurs clientes, reconnaissant les injections, mais pas les effets secondaires graves. "J'avais l'impression de ressembler à un lépreux", raconte à l'audience le seul homme parmi les plaignants, un quinquagénaire qui s'est fait injecter du botox.
"Je ne pouvais pas toucher mon visage tellement c'était douloureux. Aujourd'hui, j'ai toujours du mal à maintenir mes paupières ouvertes suite aux injections. Je vais devoir être opéré", poursuit-il.
Selma, 24 ans, dit avoir contacté "Dr Lougayne" après qu'un candidat de téléréalité "a assisté à une session d'injections avec elle".
"Maintenant, j'ai des tâches brunes sur les lèvres, je suis complexée. J'ai été bête, j'ai fait confiance", regrette la jeune fille, qui ne souhaite pas donner son nom.
“Embellir la femme, c'était ma passion”
Soulignant un "problème de santé publique", l'avocate du Syndicat national de chirurgie plastique et reconstructrice et esthétique (SNCPRE), Laetitia Fayon, a souligné que dans la "chasse aux fake injectors, les victimes sont trop peu présentes", par "honte" ou par "peur".
Les gendarmes, qui ont identifié et contacté eux-mêmes certaines victimes, décomptent au moins 600 clients entre janvier 2021 et juillet 2023. "Vous saviez que ce n'était pas légal ?" tance la présidente. "Oui", répond avec aplomb la principale mise en cause.
"C'était une mode sur les réseaux sociaux et j'étais intéressée par embellir la femme, c'était ma passion. Je ne mesurais pas la gravité de la chose", se justifie-t-elle.
Diplômée d'un CAP esthétique en 2020, elle propose des injections dès 2021, et assure avoir suivi quatre formations, l'une en Belgique, et d'autres avec des formatrices russes ou ukrainiennes.
50.000 abonnés
À partir de 2022, elle se fait appeler "Dr Lougayne", et se présente comme "cosmétologue", arborant une blouse blanche à son nom - bien que de l'aveu même de son avocat "elle ressemble plus à Kim Kardashian qu'à un médecin".
"Les clients savaient que je n'étais pas médecin", assure-t-elle. "Aucun médecin ne fait des injections à 200 euros."
Forte de ses 50.000 abonnés sur les réseaux sociaux, son activité s'accélère, et des sessions d'injection sont organisées dans des salons de coiffure, d'esthétique, voire à domicile dans les Hauts-de-France et en région parisienne. Mais en mars 2023, la gendarmerie de Villeneuve-d'Ascq (Nord) se penche sur les profils SnapChat et Instagram du "Dr Lougayne", particulièrement actifs, et identifie leur propriétaire.
Le 14 mai, lors d'une session à Valenciennes, les gendarmes interpellent les deux soeurs. À leur domicile, ils saisissent une centaine de seringues, ainsi que des fioles d'acide hyaluronique et de botox venues notamment de Russie ou de Corée, ainsi que 14.000 euros en liquide, des articles de luxe et deux grosses cylindrées.
Les enquêteurs estiment que leur activité a rapporté au moins 120.000 euros en moins de trois ans.