"J'espère que ça lui servira de leçon": des jeunes condamnés après les émeutes et les pillages

Première réponse judiciaire après les violences. Le tribunal judiciaire de Grenoble a commencé ce dimanche à juger une trentaine de prévenus en comparution immédiate, après les graves émeutes qui touchent le pays ces derniers jours. Deux salles ont été ouvertes exceptionnellement ce dimanche pour juger toutes les personnes.
Le procureur de la République avait prévenu avant l'audience que ses réquisitions seraient "évidemment très fermes". Il a requis des peines de prison pour l'ensemble des prévenus, allant de six à huit mois, généralement assorties de mandat de dépôt et d'un stage de citoyenneté, fustigeant les "explications farfelues" de certains prévenus.
Certains prévenus ont été condamnés à des peines de prison, moins sévères que celles requises. Les peines de prison, ferme ou avec sursis, allaient de trois à six mois, et cinq prévenus ont écopé de plusieurs mois de prison ferme avec incarcération immédiate.
La plupart étaient jugés pour des faits de "tentatives de vol en réunion" et "vol en réunion" après avoir été interpellés lors des scènes de pillage qui ont défiguré le centre-ville de Grenoble dans la nuit de vendredi à samedi, donnant lieu à 53 gardes à vue.
Des émeutiers jeunes, parfois très jeunes
Sur le banc des prévenus, des émeutiers jeunes, parfois très jeunes. Avec des profils très différents. La quasi totalité de ces personnes a été arrêtée en flagrant délit de vols dans la nuit de vendredi à samedi. Les prévenus sont principalement de jeunes hommes de moins de 30 ans habitant l'agglomération et au casier judiciaire souvent vierge.
Ils s'appellent Régis, Fatima ou Nabi. Quelques mineurs, beaucoup de jeunes adultes. Leur point commun: tous ont été interpellés dans la nuit de vendredi à samedi à Grenoble ou dans son agglomération.
Ils sont accusés de vol ou de tentative de vol lors des pillages de certains magasins ou galeries marchandes. Difficile de nier leur présence sur les lieux. Mais très peu reconnaissent les faits reprochés. Selon eux, ils étaient en balade, seuls ou avec des amis, et se sont laissés entraîner par l'effet de groupe. Sans aucun lien, finalement, avec la mort de Nahel.
Certains sont des marginaux, étrangers ou demandeurs d'asile. D'autres habitent la région avec leur famille, souvent présente, parfois effondrée. Les peines de prison ferme s'enchaînent et quelques avocats protestent, en colère contre une justice qu'ils estiment expéditive.
"Je lui avais dit de faire attention": le désarroi d'un père
A l'issue des audiences, nous avons pu interroger un père triste et en colère après son fils. "Je ne comprends pas du tout, pour moi c'est inacceptable", nous a-t-il lancé. Après 48h de garde à vue, son fils de 17 ans passait en comparution immédiate dimanche, accusé d'avoir participé au pillage d'un magasin de vêtements dans la nuit de vendredi à samedi. Il l'avait pourtant prévenu: "Je l'ai appelé, je lui ai dit de faire attention et de ne surtout pas manifester. Il m'a dit: 'Oui, oui, regarde je suis avec mes copains tranquille'..."
Peine prononcée: six mois de prison avec sursis et 105 heures de travaux d'intérêt général. A la sortie, beaucoup d'incompréhension au sein de la famille.
"Personne ne pense que son fils peut se retrouver au tribunal. J'espère que ça lui a fait une leçon, mais il aura une punition de ma part aussi", assure-t-il.
De la délinquance "d'opportunisme" selon un avocat
Des faits finalement sans aucun lien avec la mort de Nahel. "Je pourrais les qualifier de délinquants d'opportunisme: ils ont la possibilité de commettre une infraction et la commettent. Quand on lui a demandé quel était le rapport entre le soutien à la cause et les faits reprochés, il a dit: 'Aucun'. Et au contraire, je pense qu'il a compris que ça dessert la cause", explique Arnaud Lévy-Soussan, l'avocat du jeune homme.
C'était le plus jeune des 30 prévenus jugés exceptionnellement dimanche. Les comparutions immédiates, pour des faits similaires, ont repris ce lundi matin à 10h.