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Police-Justice

La justice valide l'interdiction d'un concert du rappeur Freeze Corleone à Lille

Freeze Corleone dans le clip "Shavkat"

Freeze Corleone dans le clip "Shavkat" - Youtube

La justice administrative a confirmé l'interdiction d'un concert à Lille jeudi du rappeur controversé Freeze Corleone, visé par une enquête pour "apologie du terrorisme", tandis qu'une décision est attendue pour le concert prévu à Lyon samedi.

Le tribunal administratif de Lille a jugé jeudi que l'interdiction par le préfet du Nord ne portait "pas une atteinte grave à la liberté d'expression" car "le risque de troubles à l'ordre public" était "suffisamment établi", selon un communiqué.

Le tribunal note que "plusieurs titres" que Freeze Corleone devait interpréter "comportent des appels à la violence qui sont de nature à inciter à la haine (...) contre des personnes nommément identifiées". Il rappelle que, par le passé, le rappeur n'a pas respecté des engagements pris devant la justice à ne pas chanter certains morceaux.

"On fait un échantillonnage disparate des propos qui peuvent choquer le bourgeois", s'est insurgé à l'audience jeudi matin l'avocat du rappeur, Sanjay Mirabeau.

Après la décision, il a annoncé saisir le Conseil d'Etat, mais s'attendre à une décision après le début du concert, prévu à 20h au Zénith de Lille. "On est en train de réfléchir à reporter" la date, a-t-il indiqué à l'AFP.

L'après-midi, une seconde audience en référé-liberté, cette fois à Lyon, a porté sur l'interdiction par la préfecture du Rhône d'un concert samedi à la halle Tony-Garnier. La décision est attendue vendredi.

Les deux préfectures considèrent que les paroles de plusieurs chansons de Freeze Corleone contiennent "des propos ouvertement antisémites et empreints d'une admiration pour la personne d'Adolf Hitler et le IIIe Reich".

Elle pointent également des propos faisant "l'apologie" du terrorisme, à travers une référence à l'attentat de Nice du 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais, qui a fait 86 morts et des centaines de blessés.

"Burberry comme un grand-père anglais. J'arrive dans l'rap comme un camion qui bombarde à fond sur la...", chante Freeze Corleone dans "Haaland", un duo avec le rappeur allemand Luciano, sorti la semaine dernière. Des paroles qui ont entraîné l'ouverture d'une enquête préliminaire à Nice pour apologie du terrorisme.

Le fondateur de Life 4 Nice, association de victimes de l'attentat, Jean-Claude Hubler, s'est félicité de l'interdiction du concert, jugeant cette chanson "inadmissible".

Me Sanjay s'est agacé à l'audience que l'on "se demande ce que l'artiste, en ne disant rien, a voulu suggérer dans l'esprit du public". Il a aussi assuré que "Haaland" ne serait pas chanté à Lille. Son client, Issa Lorenzo Diakhaté de son vrai nom, suivi par des centaines de milliers de personnes sur les réseaux sociaux, n'est pas un "leader d'opinion", a-t-il plaidé.

"Nous avons tous assisté à des concerts où un artiste laisse à son public le choix de finir sa phrase", a pointé à l'inverse le directeur de cabinet du préfet, Christophe Borgus, soulignant le risque d'un "prosélytisme terroriste". Les spectateurs de Freeze Corleone "ne sont pas des gens qui le suivent comme un prêcheur de la bonne pensée politique", a assuré à la sortie un étudiant muni d'un billet pour le concert, Arthur Lyon-Caen.

À Lyon, un autre avocat du rappeur, Adrien Chartron, a souligné qu'il n'avait "fait l'objet d'aucune condamnation pénale" et que ses concerts n'ont causé "aucun trouble à l'ordre public". En 2020, Freeze Corleone a déjà fait l'objet d'une enquête, classée sans suite, pour "provocation à la haine raciale" après des clips contenant des paroles telles que "j'arrive déterminé comme Adolf dans les années 30" ou "tous les jours RAF (rien à foutre) de la Shoah".

Dénonçant des "propos racistes inacceptables", son label Universal Music avait annoncé la fin de leur collaboration. Le label a précisé qu'une procédure judiciaire est en cours concernant le contrat de distribution les liant pour l'album "LMF", rompu en septembre 2020.

Ces derniers mois, plusieurs préfectures ont interdit les concerts de Freeze Corleone. La justice administrative a permis la tenue de deux dates au Zénith de Paris en novembre mais validé l'interdiction d'un autre concert près de Nantes en décembre dernier. Ce concert est reporté au 28 février, en attente d'une décision du Conseil d'Etat. Ce même Conseil d'Etat avait fini par autoriser le rappeur à se produire à Rennes en mars dernier.

CA avec AFP