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"Soit la justice à mal fait son travail, soit je suis très fort": 7 policiers de la BAC Nord de Marseille relaxés, du sursis seulement pour les 11 autres

Sept des 18 policiers de la brigade anticriminalité des quartiers Nord de Marseille, poursuivis pour des vols de drogue ou d'argent, ont été relaxés jeudi, les 11 autres écopant de peines avec sursis.

Neuf ans après les faits, sept des 18 policiers de la brigade anticriminalité des quartiers Nord de Marseille, poursuivis pour des vols de drogue ou d'argent, ont été relaxés jeudi, les 11 autres écopant de peines avec sursis : "D'importants et graves dysfonctionnements ont été constatés" au sein de ce service de police, a déclaré la présidente du tribunal correctionnel de Marseille en rendant son jugement. Les prévenus, dont 15 sont toujours policiers, ont quitté le tribunal sous les applaudissements de nombreux de leurs collègues mais aussi du sénateur RN des Bouches-du-Rhône Stéphane Ravier.

La peine la plus lourde -un an de prison avec sursis- a été infligée à Bruno Carrasco, l'un des trois chefs de groupe au sein de la Bac Nord à l'époque des faits, en 2012. Révoqué suite à cette affaire, comme deux autres prévenus, il est aujourd'hui employé au centre de visiosurveillance de la ville d'Aubagne, près de Marseille. Quatre des anciens collègues de M. Carrasco ont été condamnés à 2 mois de prison avec sursis, trois à trois mois de prison avec sursis, les trois derniers écopant respectivement de 4, 6 et 10 mois de prison avec sursis.

Lundi, le parquet avait requis des peines beaucoup plus sévères, allant d'un an de prison avec sursis à trois ans de prison dont six mois ferme. Au total le procureur André Ribes avait requis de la prison ferme contre dix des prévenus.

"C’est un immense gâchis. Après 9 ans d’instruction criminelle, j’obtiens cinq relaxes dont deux relaxes totales et uniquement deux mois de condamnations avec sursis. Soit la justice à mal fait son travail, soit je suis très fort mais je penche plutôt pour la première hypothèse. A un moment, l’instruction aurait dû arrêter les frais. Quand on a senti que les tuyaux des donneurs d’alerte étaient percés, il aurait fallu arrêter les vannes et faire des ordonnances de non-lieu dès 2013", s'agace Virgile Reynaud, l'avocat de plusieurs accusés.

"Il y a effectivement des fautes déontologiques, il y a un fonctionnement de la BAC qui est particulier et qui n'est pas contesté et c'est dans ce sens-là qu'on aurait dû arrêter les frais et ne pas aller plus loin", estime le conseil.

"Ils vont pouvoir reprendre le cours de leur vie et laver leur honneur"

"Ils ont commis des erreurs, ils ont été lourdement sanctionnés administrativement mais il y a une grande différence entre des fautes administratives et des délits au niveau du pénal et ça c'est reconnu aujourd'hui", se félicite Sébastien Greneron, délégué départemental adjoint du syndicat Alliance Police. "Ils vont pouvoir reprendre le cours de leur vie et laver leur honneur", ajoute-t-il.

Au cours des deux semaines du procès, ouvert le 12 avril, les 18 prévenus, accusés d'avoir volé de l'argent mais aussi des stupéfiants et des cigarettes de contrebande aux dealers et autres revendeurs de cigarettes qu'ils contrôlaient dans les cités, ont été notamment confrontés à des heures de "sonorisations", alors qu'ils étaient écoutés à leur insu par les enquêteurs de l'IGPN, dans leurs voitures et leurs bureaux.

Dans ces sonorisations qualifiées de "sidérantes" par M. Ribes, les fonctionnaires semblaient se vanter d'avoir profité d'interpellations, la plupart non-consignées par écrit, pour récupérer de l'argent ou de la drogue. A l'audience, les prévenus se sont défendus, évoquant des "gros délires".

À l'époque des faits, le procureur de Marseille Jacques Dallest avait parlé de "gangrène", accusant les membres de la Bac Nord de se "servir sur la bête". Invités à prendre la parole après les plaidoiries de leurs avocats, les policiers s'étaient défendus une dernière fois d'être des "ripoux" mercredi, déplorant d'avoir été "traînés dans la boue".

Lionel Dian (avec AFP)