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Violences en manifestations: "Le pouvoir a intérêt à ce que ça dégénère", tacle Charles Consigny

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Après les violences qui ont émaillé les manifestations du 1er-Mai, l'avocat Charles Consigny estime que le gouvernement utilise ces scènes pour se rallier l'opinion publique. Il va même plus loin en déplorant le détournement de dispositifs anti-terroriste, pour encadrer certaines manifestations.

Les manifestations du 1er-Mai ont été marquées par des scènes de violences un peu partout en France. A Paris, un policier a été gravement blessé, brûlé par un cocktail molotov tandis que des commerces ont été vandalisés, parfois pillés. Selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, 540 personnes ont été interpellées dans toute la France dont 305 à Paris tandis que 406 policiers et gendarmes ont été blessés.

Le ministre en a profité pour tacler le "silence complice" de Jean-Luc Mélenchon, qu'il a accusé d'avoir "quasiment" appelé à "la sédition". "Dans la foulée, l'ancien député des Bouches-du-Rhône a estimé que le ministre était "100% responsable", taclant un maintien de l'ordre qui a tourné "une fois de plus à une absurde violence générale".

Les violences, un intérêt pour le pouvoir?

Peu avant, l'avocat Charles Consigny, a estimé sur le plateau des "Grandes Gueules" que le gouvernement utilisait ces violences pour monter l'opinion publique contre les manifestants.

"Ce pouvoir aux abois ne sait pas répondre à la persistance de cette contestation de sa politique et je vois sa tentative désespérée de se servir de ces violences pour essayer de monter l’opinion contre les manifestants et contre la contestation de sa politique", a assuré sur RMC et RMC Story, l'ancien candidat LR aux législatives.

"On voit bien comment les choses sont faites. Ces violences sont diffusées en boucle et le ministre monte au créneau, puis condamne les violences contre les policiers mais jamais les débordements qui peuvent émaner parfois des rangs des forces de l’ordre. On voit sur les réseaux sociaux, des scènes choquantes de policiers qui distribuent des coups de matraque au hasard et on ne sait pas pourquoi", a-t-il abondé.

Pour lui, il faudrait un encadrement "plus apaisé" mais ce n'est pas l'objectif du pouvoir qui aurait "plutôt intérêt à ce que ça dégénère pour capitaliser sur le bordel et donner l’impression d’être le parti de l’ordre".

"Je ne comprends pas la doctrine de Laurent Nuñez"

C’est aussi ce que regrette le cheminot et syndicaliste Bruno Poncet, présent à la manifestation parisienne du 1er-Mai lundi: "C’était un 1er-Mai réussi, il y avait du monde dans la rue et ce qu’on retient aujourd’hui, c’est la violence. C’est contre-productif pour le mouvement", assure-t-il, évoquant une manifestation en l’absence de familles et des techniques de maintien de l'ordre incompréhensible.

"Je ne comprends pas la doctrine de Laurent Nuñez, le préfet de police de Paris. Quand on est arrivé place de la République (lieu de départ de la manifestation parisienne, ndlr), il y avait des camions de CRS en travers et on a été filtrés mais sans palpation. On était des milliers à être bloqués", raconte-t-il.

Cette difficulté à tracer les black blocs, Thomas, policier, estime qu’elle est accentuée par l’absence de la loi anti-casseur, retoquée par le Conseil constitutionnel: "Aujourd’hui, elle réglerait énormément de problèmes", juge-t-il.

Elle aurait selon lui permis d’arrêter en amont de nombreux black blocs: "Cette loi anticasseur va devenir inévitable pour faire évoluer le maintien de l’ordre", assure-t-il. "Nos services de renseignements sont extrêmement performants. On aurait une évolution sans précédent en termes de maintien de l’ordre avec une loi anti casseur de votée", assure le fonctionnaire qui estime qu’une telle loi permettrait des interpellations en amont des violences.

"On ne peut tolérer que le gouvernement prenne des libertés avec la loi"

Mais l’avocat Charles Consigny craint qu’une telle loi soit dévoyée: "Je suis certain que dès l’instant qu’on mettra une loi comme ça dans les mains du gouvernement, il va ratisser beaucoup plus large que les seuls individus dangereux, en profitant pour empêcher certaines personnes non-violentes de manifester".

Il en veut pour preuve le détournement de dispositifs anti-terroristes utilisés contre des mouvements sociaux, notamment lors de déplacements d'Emmanuel Macron ou de ses ministres: "La liberté que prennent le gouvernement et les préfets avec la loi est quasi-systématique. Ils prennent des arrêtés dont ils savent très bien qu’ils vont être censurés par le juge administratif mais le temps du délai de recours, ils le seront après les effets de l’arrêté", rappelle-t-il.

"On ne peut pas tolérer que le gouvernement français prenne sciemment des libertés avec la loi. On ne le tolère pas pour des citoyens, on n’a pas à le tolérer pour le gouvernement", conclut l'avocat.

G.D.