Censure contre Michel Barnier: déjà fini pour le Premier ministre le plus bref de la Ve République

Michel Barnier poussé vers la sortie par l'Assemblée nationale. Les députés ont adopté à 331 voix ce mercredi 4 décembre 2024 une motion de censure forçant le Premier ministre de 73 ans à présenter sa démission à Emmanuel Macron.
Les gouvernements précédents avaient affronté 130 motions de censure dans l'histoire de la Ve République. Une seule avait abouti jusque-là, en 1962. Cette année-là, députés et sénateurs étaient opposés à la volonté du président de la République Charles de Gaulle et de son Premier ministre Georges Pompidou que l'élection du chef de l'Etat se fasse au suffrage universel direct.
La durée de vie la plus courte à Matignon
Michel Barnier aura donc battu un record de précocité. Sous François Hollande, Bernard Cazeneuve n'avait été Premier ministre que pour une courte période entre décembre 2016 et mai 2017, remplaçant Manuel Valls qui s'était déclaré candidat à l'élection présidentielle. Cette marque de 155 jours est dorénavant battue. Nommé officiellement le 5 septembre, Michel Barnier n'aura donc tenu que trois mois, 90 jours exactement.
Une nomination poussive
C'est presque autant de jours qui avaient été nécessaires à Emmanuel Macron pour le nommer. Durant 59 jours, la France a attendu que le président de la République trouve un Premier ministre après le résultat des élections législatives anticipées qui a conduit à la formation de trois blocs, gauche, centre droit et extrême droite, dont aucun n'a acquis une majorité pour gouverner.
La gauche, arrivée conjointement en tête (192 députés), estimait que sa candidate Lucie Castets aurait dû être nommée, mais c'est bien Michel Barnier, issu de de la droite républicaine, qui a été choisi. Formation pourtant arrivée loin derrière les autres lors des législatives (47 députés). Un "socle commun" de députés macronistes et de droite est alors formé (EPR, Horizons, MoDem et LR) représentant 210 députés, ce qui n'est pas assez pour avoir la majorité absolue de 289.
Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné?
Nommé pour ses qualités de négociateur, celui qui a la réputation d'avoir arraché un Brexit plutôt favorable à l'Union européenne, détesté outre-Manche, n'a toutefois pas réussi à trouver les alliances nécessaires pour pouvoir sortir l'Assemblée de ce blocage.
Immédiatement rejeté à gauche, et placé "sous surveillance" par le RN dès le départ, sa marge de manoeuvre était minime. Même au sein de son propre groupe, il a été contesté par Gabriel Attal, que Michel Barnier a tancé lors de la passation de pouvoir à Matignon et lors de son discours de politique générale, ou encore Gérald Darmanin sur les questions fiscales. Sans compter ses partenaires de la droite qui lui ont aussi donné aussi du fil à retordre notamment sur la question des retraites.
Le "style" Barnier: du pipeau?
Son style "au-dessus la mêlée" et son expérience n'ont donc pas suffi à convaincre et apaiser, bien au contraire. Un stratège du RN confiait à RMC mardi que la "méthode Barnier" était totalement survendue. "C'est complètement pipeau. C'est dingue. On nous a fait croire qu'il avait négocié le Brexit alors qu'il ne sait même pas parler anglais", taclait-il.
"En vrai, Barnier, c'est une énorme déception", ajoute une ancienne ministre macroniste à l'AFP, qui le décrit comme "rancunier" quand il raille le bureau "un peu vide" de Gabriel Attal ou veut revenir sur le bilan de ses prédécesseurs. Elle note parfois même du "mépris" de la part du locataire de Matignon à l'égard du camp présidentiel.
Un budget impossible à boucler qui lui sera fatal
Quand Marine Le Pen pose un ultimatum pour obtenir de nouvelles concessions sur le budget, il affirme qu'il n'est "pas dans cet état d'esprit", avant de céder quasiment une par une à ses exigences dans la dernière ligne droite. Mais le temps a fini par s'arrêter face à la surenchère. "Je ne croyais pas qu'elle oserait", a-t-il lâché lundi après une conversation téléphonique avec la cheffe de file des députés RN, bien décidée à voter la censure malgré ses gestes sur le prix de l'électricité ou encore le déremboursement des médicaments.
L'avenir est désormais incertain avec ce départ à venir de Michel Barnier. Emmanuel Macron nommera-t-il un nouveau Premier ministre? Ou alors, vu qu'il ne peut pas dissoudre l'Assemblée nationale jusqu'en juin 2025 et ainsi convoquer de nouvelles élections législatives, démissionnera-t-il, conduisant à la tenue d'une élection présidentielle anticipée?