Censure du gouvernement: après l'échec Barnier, les scénarios possibles pour Emmanuel Macron

Bienvenue en "territoire inconnu". L'expression de Michel Barnier, qui plaidait pour une "stabilité", n'a visiblement pas fait peur aux députés qui ont adopté ce mercredi 4 décembre une motion de censure qui va conduire à la démission du Premier ministre.
Retour à la case départ pour Emmanuel Macron qui doit maintenant décider de la suite du calendrier. Le gouvernement démissionnaire devra expédier les affaires, comme ce fut le cas lors des 59 jours "d'intérim" du gouvernement Attal entre le résultat des élections législatives anticipées et la nomination de Michel Barnier. Et ce jusqu'à ce que le président de la République choisisse l'un de ces scénarios, ou n'en invente un autre.
1. Nommer un autre Premier ministre du "socle commun"
Les noms de Sébastien Lecornu, ministre des Armées, et François Bayrou, Haut-commissaire au Plan, ou encore Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France, reviennent fréquemment en cas de recherche d'un nouveau Premier ministre issu de la coalition centre-LR surnommée "socle commun".
Le RN ne semble pas totalement opposé à cette perspective (hormis Xavier Bertand), si tant est que la nouvelle personnalité soit plus attentive aux propositions de l'extrême droite.
Même pour le "socle commun", tout serait à refaire pour séduire les 47 députés LR du groupe "droite républicaine", Laurent Wauquiez prévenant que l'accord ne tenait que grâce à l'hyptothèse Barnier à Matignon. Une hypothèse si le prochain devait être issu de LR: Françoois Baroin, qui serait "très intéressé" et le fait savoir assure Le Parisien.
Le chef de file des députés macronistes Gabriel Attal plaide en tout cas pour une forme "d'accord de non-censure" allant des socialistes jusqu'aux Républicains. "Je ne sais pas si c'est possible. En tout cas moi, je pense que c'est ce qu'on doit viser", lance-t-il, même si en effet le PS ne compte pas travailler avec LR et inversement.
2. Nommer un Premier ministre proposé par le NFP
C'est le scénario plaidé par la gauche qui, avec sa coalition du Nouveau front populaire (LFi-écologistes-communistes-socialistes), est arrivée en tête aux dernières législatives. Mais si ces derniers avaient poussivement trouvé un accord pour proposer la nomination de Lucie Castets à Matignon, ce recours semble avoir du plomb dans l'aile. Les socialistes n'évoquant même plus cette possibilité dans leur dernier communiqué de lundi, préférant évoquer la nomination d'un "Premier ministre issu de la gauche".
Mais Emmanuel Macron avait très rapidement balayé l'été dernier l'hypothèse de travailler à former une coalition avec la gauche, et Michel Barnier n'a pas non plus durant son court passage à Matignon tenté de trouver des terrains d'entente avec le NFP. A voir si le président de la République tentera de changer radicalement cette position. Le RN a par ailleurs prévenu qu'il censurerait immédiatement tout gouvernement de gauche ou même de centre-gauche.
3. Nommer un Premier ministre de centre-gauche
L'hypothèse de nommer une personnalité de gauche "Macron-compatible", opposée à LFI, a déjà été évoquée cet été, sans succès. Une hypothèse, personnifiée par Bernard Cazeneuve notamment, qui permettrait au président de la République de ne pas travailler avec La France insoumise, qu'il renvoie dos à dos avec le RN.
Le PS voudrait "un gouvernement de gauche ouvert au compromis", que le socle commun s'engagerait à ne pas censurer en échange d'un renoncement au 49.3. Mais Olivier Faure reste opposé à soutenir Bernard Cazeneuve, qui "n'a soutenu ni Raphaël Glucksmann aux élections européennes ni le NFP aux législatives".
Le sénateur écologiste Yannick Jadot souhaite même que ce gouvernement de gauche comprenne "des ministres issus du bloc central", à l'opposé de la position de son parti qui plaide une candidature commune à toutes les formations de gauche.
4. Nommer un Premier ministre validé par le RN
Si mathématiquement, le "socle commun" associé à l'extrême droite permettrait d'obtenir une majorité absolue, aucun des deux camps ne semble disposé à travailler l'un avec l'autre, d'autant plus après la censure du RN.
5. Nommer un gouvernement "technique"
Une hypothèse qui avait déjà été évoquée durant les 59 jours de flottement entre les législatives et la nomination de Michel Barnier. Emmanuel Macron tenterait de nommer un gouvernement composé de personnalités techniques non-affiliées à des partis politiques. Un scénario auquel le député RN Sébastien Chenu semblait en tout cas favorable cet été. Reste à savoir comment ces ministres dits "techniques" parviendraient à convaincre l'Assemblée de voter un budget et de ne pas être également censurés.
6. Re-nommer Michel Barnier
Ce scénario improbable est théoriquement possible, même si l'on voit mal comment le Premier ministre pourrait accepter de reprendre son travail comme si de rien n'était.
7. Démissionner et convoquer une présidentielle anticipée
Ce scénario, poussé par LFI et le RN, le président de la République a clairement dit qu'il n'y songeait même pas. "Tout ça, c’est de la politique fiction", a-t-il lancé mardi, insistant sur le fait qu'il a été "élu deux fois par le peuple français". "J'honorerai cette confiance jusqu'à la dernière seconde", balaie-t-il.
A voir quelle option Emmanuel Macron choisira pour sortir de cette situation de blocage institutionnel. Beaucoup, à l'instar de la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet, plaident en tout cas pour une solution rapide, qui permette de mener à bien au moins en partie les textes budgétaires avant la date butoir du 31 décembre. A défaut, les députés devront voter une "loi spéciale" qui permette d'assurer la continuité du fonctionnement de l'Etat, qui reviendrait peu ou prou à reconduire le budget de 2024.