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Décentralisation: faut-il supprimer les départements? L'idée d'Emmanuel Macron froidement accueillie

L'ancien ministre du Budget, Eric Woerth, le 9 mars 2022 à Paris

L'ancien ministre du Budget, Eric Woerth, le 9 mars 2022 à Paris - JULIEN DE ROSA © 2019 AFP

Dans une missive adressé à Eric Woerth, Emmanuel Macron a fait part de son ouverture quant à la possiblité de supprimer le concept de départements afin de "gagner en efficacité". Mais l'idée ne fait pas que des heureux.

Supprimer le concept de département, une réalité imminente? Ce serait en tout cas l'une des idées d'Emmanuel Macron afin de "gagner en efficacité" et faciliter la vie des Français. Alors simplifier les choses, oui, mais comment?

D'après le chef de l'Etat, l'organisation territoriale de la France est devenue "trop complexe" et les Français ne s'y retrouvent plus, comme le dit Emmanuel Macron dans la lettre de mission envoyée à l'ancien ministre Eric Woerth, chargé d'étudier cette question de l'avenir des départements notamment à l'occasion du congrès des départements à Strasbourg.

Un serpent de mer qui a toujours divisé les Français

Le sujet ne date pas d'aujourd'hui. En 2010 déjà, une loi prévoyait de remplacer les conseillers généraux et régionaux par des conseillers territoriaux.

Puis en 2014, c'est François Hollande cette fois qui souhaitait supprimer les conseils départementaux. Une idée avortée, mais depuis les responsabilités des départements n'ont cessé d'être réduites au profit des régions et des communautés de communes. Désormais les départements sont cantonnés à un rôle essentiellement social, sans réelle marge de manoeuvre.

Exemple concret : les départements sont chargés de verser le RSA à leurs bénéficiaires, hors le budget des départements est limité et dans le même temps ce ne sont pas eux qui décident de la politique du RSA. Alors pourquoi ne pas se débarrasser concrètement des départements?

La question divise les Français. En 2014, au moment où François Hollande proposait la réforme des conseils départementaux, 55% des sondés se disaient favorables à la disparition des départements. Cette division s'est aussi faite ressentir sur le plateau d'Estelle Midi, où les invités se sont écharpés sur la question de l'abandon du concept de département, tout en se montrant relativement opposés au projet du président.

"Un contresens" sur ce qu'est la décentralisation?

"Ça n'a aucun sens", juge Pierre-Edouard Magnan, président du Mouvement national des chômeurs et des précaires, sur le plateau d'Estelle Midi. Selon lui, "on a vu ce que ça donnait avec les régions (qui ont été remodelées en 2015) : rien qu'en fusionnant les régions on s'est rendu compte qu'il fallait des hémicycles plus grands donc il a fallu en construire un troisième puisque les hémicycles précédents des conseils régionaux n'allaient pas".

De plus, les départements s'occupent des missions "dont personne ne veut dans les collectivités". D'après Pierre-Edouard Magnan, "les hommes et femmes politiques adorent le développement économique, car ça c'est bien, mais l'action sociale si vous voulez ça ne fait rêver personne car ils considèrent qu'on ne se fait pas élire là-dessus".

"On nous a créé les métropoles, on nous a créé les régions, les cantons, les intercommunalités et maintenant on veut nous faire disparaître les départements : c'est un contresens total sur ce qu'est la décentralisation", surenchérit de son côté Emmanuelle Dancourt, journaliste indépendante.

Une fusion en guise de solution?

Cette dernière cite d'ailleurs la Première ministre, Elisabeth Borne, qui disait : "Aujourd'hui et demain, le département est un échelon indispensable pour l'action publique locale et pour réussir, nous devons d'abord vous donner les marges de manœuvre et les moyens nécessaires… En un mot, vous donner la liberté d'agir".

Et tandis qu'Estelle Denis estime de son côté qu'il y a tout simplement "trop" d'échelonnage de nos territoires, Pierre-Edouard Magnan pense qu'il est localement possible d'adopter une solution mixte.

"Il peut y avoir des fusions, comme par exemple dans le département du Rhône. Il était tellement aligné sur la communauté de communes, que finalement il y a eu une fusion des deux. Donc il peut y avoir des choses localement", dit le président du Mouvement national des chômeurs et des précaires.

Une "mesure de diversion", tance Périco Légasse

Questionné sur le sujet, Périco Légasse n'a pas été tendre avec la piste lancée par Emmanuel Macron.

"Il y en a marre des mesures de diversion et des lubies du président de la République qui se lève en se demandant ce qu'il pourrait faire chaque jour pour meubler l'actualité", tacle Périco Légasse.

"On repense l'organisation territoriale du pays avec un plan : les strates territoriales doivent continuer d'exister. Il faut des hiérarchies, il y a des compétences particulières mais ensuite c'est très complexe. Que suppriment-ils? Les conseils départementaux, soit la représentativité électorale des habitants? Ou suppriment-ils l'entité départementale entière, c'est à dire la préfecture avec?", questionne Périco Légasse.

Dans le cas où les communautés de communes viendraient alors à remplacer les départements, Périco Légasse s'oppose alors fermement à l'idée. Selon lui, s'il y a des communautés de communes où les choses se passent bien, il qualifie d'autres endroits comme "une catastrophe, où les maires sont dépossédés" de leurs moyens.

"Le département, c'est la structure historique du territoire français, en fonction des anciens diocèses, c'est une histoire qui correspond à une identité locale géographique, sociale, historique et culturelle", revendique encore Périco Légasse. En clair, du chemin reste à faire dans le but de convaincre les Français de délaisser leur département au profit, au choix, des régions ou des communautés de communes.

A.L