"Expliquez-nous": qu'est-ce que le haut-commissariat au Plan?
C’est une double résurrection. Celle de François Bayrou. Il a 69 ans, mais une ambition intacte. Il a été un des acteurs clé de l'élection d’Emmanuel Macron en 2017, puis son éphémère garde des Sceaux. Rapidement empêché par sa mise en examen dans l’affaire des assistants parlementaires. Depuis, il rongeait son frein à la mairie de Pau. Mais la solution a été trouvée cet été: ne pouvant pas être ministre, le voici donc haut commissaire au plan.
L’autre résurrection, c’est donc celle du haut-commissariat au Plan, une institution très gaulliste. Ou comment faire du neuf avec du vieux. Utiliser une recette de 1946, en espérant que cela fonctionnera en 2020.
Le premier commissaire au plan, Jean Monnet en parlant comme d'un poste “indéfinissable”. François Mitterrand y attachait beaucoup d’importance et disait qu’un pays qui réfléchit à son avenir est en avance sur les autres. Et c’est ce qu’imagine. François Bayrou. Il se voit comme un super ministre de l’avenir, voire de Premier ministre bis. Il s’est battu pour être rattaché directement à l’Elysée.
L’idée est née lorsque la France était en panne au printemps dernier à cause du confinement: l’économie était totalement à l'arrêt, on ne savait pas où on allait. “Il faut se réinventer”, avait dit Emmanuel Macron, par exemple, pour relocaliser. Notre dépendance à la Chine s'était révélée de façon criante avec les pénuries de masques. Il fallait donc "se réinventer"... et on a donc réinventé ce commissariat au plan qui avait permis à la France de se redresser après la dernière guerre.
Deux pays avec un haut commissaire aux plans
De 1946 à 1992, la France a vécu au rythme des plans quinquennaux, c’est-à-dire de plans de 5 ans. Ils ont permis la reconstruction. La fin des pénuries. Ils ont accompagné la construction des grands hôpitaux. La création des villes nouvelles.
Le troisième plan a développé l’aéronautique. Et on lui doit les chasseurs Mirage, les hélicoptères Gazelle, les fameuses caravelles. Le quatrième plan en 1960 prévoyait que l’on passe de 48 kilomètres d’autoroute à 500. Les plans ont accompagné l’installation des lignes téléphone que la France entière attendait.
C'était la France gaulliste triomphante des "30 Glorieuses" avec 2000 experts et ingénieurs qui étaient fiers de travailler au plan. C'étaient les années du dirigisme économique, ou quand le politique voulait peser sur l’industrie. Ca s’est terminé avec l’Europe et la mondialisation. En 2005, Jacques Chirac et Dominique de Villepin avaient supprimé le commissariat au plan.
Mais la planification, ce n’est pas de Gaulle qui l’a inventé. Non, c’est Staline, qui a mis en place le plan ou plus précisément le "Gosplan" en russe.
Le premier du genre, lancé entre 1928 et 1932, prévoyait le développement de l'Armée rouge l’industrialisation à marche forcée, et surtout la collectivisation de toutes les terres. Les paysans devenaient des fonctionnaires. Résultat? Une terrible famine en 1932-1933: elle a fait entre six et huit millions de morts. C’est le plus grand échec de l’histoire du communisme.
Aujourd’hui, la Chine vit encore au rythme des plans quinquennaux. On vient d'en terminer le 13e. Et l’ironie de l’histoire, c’est qu’il y a donc deux grands pays qui ont la chance d’avoir un haut-commissaire au plan: c’est la Chine communiste et la France macronienne.