Interdiction du voile dans les compétitions sportives: cacophonie au gouvernement entre les "pour" et les "contre"
Mardi dernier, les sénateurs ont voté un amendement à la “loi sport”, pour interdire le port de tout signe religieux ostentatoire dans toutes les compétitions sportives. Le gouvernement avait émis un avis défavorable. Le texte est ensuite arrivé à l’Assemblée et, à la demande du gouvernement, les députés ont abrogé l'amendement des sénateurs. On pouvait donc légitimement comprendre que le gouvernement ne voulait pas de cette interdiction du port du voile pour toutes les sportives.
Et c’est d’ailleurs la position défendue par la ministre de l’Egalité femmes-hommes, avec une certaine véhémence. Elisabeth Moreno a clairement indiqué sur LCI : “Les femmes ont le droit de porter le voile islamique. Elles ont le droit de faire du sport sans être discriminées. Aucune loi n’interdit le port du voile pour les sportives. Il faut appliquer la loi”.
Sauf qu’Elisabeth Moreno a été contredite. Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a indiqué que sa position n'était pas celle du gouvernement. Puis Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté, s’est prononcée contre le voile pour les footballeuses. Enfin, Bruno Le Maire a pris la même position.
Ce qui rend la position du gouvernement assez difficile à lire. Le gouvernement est contre le voile sur les terrains de football, mais, en même temps, contre les sénateurs qui veulent élargir cette interdiction à tous les sports.
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Un règlement de la FFF interdit le port du voile
Que dit la loi exactement ? La loi est claire, elle n’interdit pas le port du voile dans les compétitions sportives. Les lois françaises s'inspirent de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen: “Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, sauf si l’expression de ces opinions porte un trouble à l’ordre public”.
En 2013, la Cour de cassation a défini les principes de la laïcité. Et le premier de ces principes, c’est la neutralité de l'État. Au nom de la laïcité, on peut donc interdire les signes religieux ostentatoires à tout agent de l'État et d’un service public. Puis par extension aux organismes qui ont des délégations de service public, comme par exemple les fédérations sportives. On peut donc interdire le port du voile aux agents de l'État, mais pas aux usagers de l'État. Et donc pas aux licenciées d’une fédération sportive. Elisabeth Moreno avait donc raison. Aucune loi n'interdit le port du voile sur un terrain de sport.
Sauf qu’un règlement de la fédération de football interdit bien le port du voile. C’est là que cela se complique. L’article 1 du règlement de la fédération indique: “En compétition, est interdit tout signe manifeste d’une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale”. La fédération française a écrit ce règlement en 2014, justement lorsque la fédération internationale de foot, la FIFA, avait autorisé le port du voile dans toutes les compétitions internationales. En réaction, la fédération française, au nom de la laïcité, avait proscrit le hidjab.
Un recours devant le Conseil d'Etat
Un petit groupe de footballeuses voilées, “les hijabeuses”, ont attaqué ce règlement devant le Conseil d'État l’an dernier. Le dossier est à l’instruction. Et au bout du compte, ce sont donc les conseillers d'État qui devront trancher cette question très politique.
Pourquoi ne parle-t-on que des footballeuses? Parce que seule la fédération de football a ce règlement interdisant le voile. Le hidjab est autorisé, ou toléré dans la plupart des autres sports. Officiellement autorisé pour les handballeuses, à condition que toutes les femmes d’une même équipe portent un voile de la couleur de leurs maillots. Le hidjab est toléré pour les basketteuses, pour les boxeuses, les karatékas, les pratiquantes de l'athlétisme.
Aux Jeux olympiques, le CIO laisse chaque fédération sportive se prononcer et on a vu, depuis 1996, des femmes voilées concourir dans la plupart des disciplines. Et ce sera le cas lors des prochains Jeux d’été, qui auront lieu en France en 2024, au pays de la laïcité et de l’interdiction du voile sur les terrains de foot.