L'Assemblée nationale vote en faveur de la réhabilitation des personnes condamnées pour homosexualité

Un premier pas pour reconnaître la souffrance des personnes homosexelles. Dans la nuit du 6 au 7 mars, les députés ont approuvé à l'unanimité une proposition de loi visant à admettre et réparer les préjudices subis par ces citoyens en raison des lois discriminatoires en vigueur entre 1942 et 1982 en France.
L'Assemblée nationale examinait en première lecture ce texte porté initialement par le sénateur Hussein Bourgi (PS) et approuvé par le Sénat en novembre dernier. Il a fait l'objet d'un très large consensus, 331 députés l'ayant approuvé sur 331, même si certains groupes ont exprimé des réserves sur le principe d'une réparation financière.
"Il est grand temps de (...) dire ce soir au nom de la République française: pardon, pardon aux personnes, aux homosexuels de France qui ont subi 40 années durant, cette répressin totalement inique", a déclaré le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti.
Un "signal extrêmement fort" des députés
Ce vote est une victoire pour les associations LGBT+ et les victimes. "Je suis très heureux, même ému. Ça fait bientôt 50 ans que je me bats parce que je n'ai jamais accepté cette arrestation et cette condamnation", a confié à l'AFP Michel Chomarat, 75 ans, condamné après avoir été interpellé en mai 1977 à Paris, aux côtés de huit hommes, lors d'une incursion policière dans le bar gay "Le Manhattan".
Au micro de RMC, Bernard Bousset, l'un des derniers hommes condamnés pour homosexualité, avait raconté ce "traumatisme" et "les rafles" qui s'opéraient dans le pays. "La police arrivait et c'était ça en permanence. On était honteux. Moi, j'ai été honteux toute ma vie", a-t-il confié.
Pour Joël Deumier, coprésident de SOS Homophobie, il s'agit d'un "signal extrêmement fort envoyé par l'Assemblée nationale". Les députés ont rétabli le principe d'une réparation financière et la création d'une commission chargée de statuer sur les demandes de réparation financière, que le Sénat avait supprimées.
Des victimes difficilement identifiables
Cette indemnisation financière devrait être mise en oeuvre par une commission. Eric Dupond-Moretti a toutefois attiré l'attention sur les "difficultés probatoires" qu'elle devrait rencontrer. "Il ne sera pour certaines personnes pas simple de prouver qu'elles ont effectivement passé un temps déterminé en prison ou qu'elles se sont acquittées de l'amende à laquelle elles avaient été condamnées", a prévenu le garde des Sceaux.
Le rapporteur du texte, le député PS Hervé Saulignac, a lui estimé que la reconnaissance ne pouvait aller sans la réparation, affirmant que "la France était capable" de faire ce que l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Irlande, l'Espagne et le Canada ont déjà fait.
La proposition de loi, qui sera bientôt à nouveau débattue au Sénat, reconnaît la discrimination à l'encontre des personnes homosexuelles entre 1942 et 1982, basée sur deux articles du code pénal, l'un établissant un âge spécifique de consentement pour les relations homosexuelles et l'autre aggravant la répression de l'outrage public à la pudeur commis par deux personnes de même sexe.
Il apparaît difficile de savoir précisément combien de personnes ont été condamnées pour homosexualité en France, les juges de l'époque ayant utilisé toutes sortes d'articles de loi pour réprimer cette orientation sexuelle. Environ 10.000 condamnations ont été prononcées en vertu de l'article qui établissait un âge de consentement spécifique et 50 000 pour le motif d'outrage public à la pudeur homosexuelle, indique Régis Schlagdenhauffen, maître de conférences à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) à l'AFP.
Beaucoup de personnes condamnées sont aujourd'hui décédées ou âgées. Elles seraient donc peu nombreuses à demander une réparation financière.