"On ne serait pas orphelin": au RN, l'évidence Jordan Bardella si Marine Le Pen est inéligible

Qui sera le candidat du Rassemblement national à la prochaine élection présidentielle? Jusqu'à présent, la réponse à cette question semblait évidente: la candidature de Marine Le Pen, bien que non officielle, ne faisait que peu de doutes. Mais après avoir déjà concouru trois fois (2012, 2017, 2022), elle est menacée par une possible peine d'inéligibilité de cinq ans dans l’affaire des assistants parlementaires européens de son parti. Une menace qui n'était pas franchement prise au sérieux au RN, jusqu’aux réquisitions du parquet.
Le RN, c'est aussi Jordan Bardella. Et une inéligibilité de Marine Le Pen lui ouvrirait la voie de la prochaine présidentielle. Officiellement, celui qui doit une grande partie de son ascension politique à Marine Le Pen, fait bloc derrière elle. "Le RN a un genou à terre. Je ne compte pas faire mon beurre" prévient Jordan Bardella. Une posture de loyauté. Il a même écrit tard jeudi soir aux adhérents du parti, dénonçant un acharnement de la justice.
Mais au RN, personne n'est dupe. En cas d'empêchement de Marine Le Pen pour la présidentielle, "on ne serait pas orphelin" anticipe une cadre. Il serait le candidat logique de repli et ses amis louent son appétit. "Quand vous êtes président du RN à 29 ans, évidemment que vous avez de l'ambition" se gargarise l'un d'eux. Jordan Bardella se dit d’ores et déjà dans un "tête à tête avec les Français" à l'occasion de la sortie de son premier livre. Et Marine Le Pen, une fois de plus, de lui chauffer la place: "Si vous arrivez à vous débarrasser de moi, vous ne pourrez pas vous débarrasser de lui. Et je m'en réjouis".
Gérald Darmanin et Jean-Luc Mélenchon contestent la possible peine d'inéligibilité de Marine Le Pen
Pour l’instant, l'annonce de sa potentielle d'inéligibilité continue d'émouvoir la classe politique. Avec une peine assortie d'une exécution provisoire, c'est-à-dire directement applicable, beaucoup voient dans cette réquisition l'ombre d'une justice politisée et s'insurgent. Et ça balaie tout le spectre politique, de Gérald Darmanin à Jean-Luc Mélenchon.
"Il y a un doute en France sur l'action de la justice dans le champ politique": dans un tweet publié ce jeudi, le leader insoumis remet en cause le bien-fondé de cette réquisition, dénonçant en substance une peine prématurée. Indignation partagée par Gérald Darmanin: "Combattre Marine Le Pen se fait dans les urnes", écrit l'ancien ministre de l'intérieur, jugeant que ce n'est pas à la justice de décider du sort politique de la présidente du groupe RN à l'Assemblée.
Pourtant, Thibault Spriet, secrétaire national du syndicat de la magistrature, considère qu'il n'y a rien de politique dans ces réquisitions: "La justice n’invente pas les peines encourues. Elles sont prévues par la loi. Il faut déconstruire cette idée que les juges feraient de la politique. Leurs décisions sont motivées en droit. Il ne faut pas parler de gouvernement des juges à partir du moment où ils réclament l’application de la loi". Une loi de 2016 qui rend obligatoire et automatique l'application de la peine d'inéligibilité en cas de détournement de fonds publics.