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Pour Macron, "la politique, c'est mystique": "il essaye de se placer au-dessus des partis"

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Dans une récente interview au JDD, le candidat à la présidentielle Emmanuel Macron a affirmé que "c'est une erreur de penser que le programme est le cœur" d'une campagne électorale, alors que, selon lui, "la politique, c'est mystique". Des propos analysés par François Xavier Bourmaud, grand reporter au service politique du Figaro et auteur de Macron, l'invité surprise, pour RMC.fr.

François Xavier Bourmaud, grand reporter au service politique du Figaro et auteur de Macron, l'invité surprise:

"Il ne faut pas oublier qu'Emmanuel Macron a observé le pouvoir de très près puisqu'il était secrétaire général adjoint de l'Elysée au début du quinquennat de François Hollande. Il a vraiment vu comment fonctionnait et comment s'exerçait le pouvoir. De ce fait, de cette expérience, il a créé sa propre conception du pouvoir qui serait plus dans une façon de l'exercer que dans quelque chose de concret. On voit bien qu'au début du quinquennat de François Hollande, il y a eu des décisions assez fortes mais tout ce qui lui a été reproché, par la suite, c'est de ne pas exercer ce pouvoir. Emmanuel Macron a donc développé une théorie autour de ça: il ne faut pas être un homme providentiel. Benoît Hamon dit d'ailleurs sensiblement la même chose.

"Il cherche à incarner la Nation plutôt que d'exercer le pouvoir"

En clair, pour eux deux, tout ne procède pas du président de la République, que le président de la République n'est là que pour incarner une idée. Dans le cas d'Emmanuel Macron, cette idée serait celle de la Nation. Les propos qu'il a tenus dans le JDD peuvent être recollés à une interview qu'il avait donné à l'hebdomadaire Le Un. Il y parlait de pouvoir et évoquait notamment le peuple français qui, d'après lui, regrettait toujours d'avoir guillotiné Louis XVI et cherchait depuis quelqu'un pour incarner le pouvoir. Dans cet entretien, Emmanuel Macron disait que la France y était parvenue à deux reprises: avec Napoléon et de Gaulle.

Pour lui, sa conception du pouvoir serait donc plus dans cet ordre d'idée-là, celle de quelqu'un qui incarne la Nation plutôt que quelqu'un qui exerce le pouvoir. Quand il dit que 'c'est une erreur de penser que le programme est au cœur d'une campagne', il en parle comme d'un mode d'emploi. Pour Emmanuel Macron, il y a un modèle, lui, et ensuite il n'y a plus qu'à le faire fonctionner tout seul. Mais il va quand même devoir donner un programme parce que c'est un point de passage obligatoire. Se définissant comme ni de droite, ni de gauche, l'exigence de l'électorat envers son programme est sans doute plus grande que pour les autres.

"On ne sait pas où le situer, où il veut aller"

En effet, les gens se demandent ce qu'il veut, qui il est et où il veut aller. Autant pour François Fillon ou Benoît Hamon les interrogations sur le programme sont moins importantes pourtant ils sont tout autant flous, peu ancrés dans le débat public que celui d'Emmanuel Macron. Sauf que la droite et la gauche, les gens savent ce qu'ils veulent faire depuis toujours. Macron, comme on ne sait pas où le situer, on ne sait pas du tout où il veut aller. Donc l'exigence sur son programme est beaucoup plus forte. Pour autant, il considère qu'il n'y a pas besoin de livrer le mode d'emploi avec le matériel.

Ce qu'il essaye de faire, d'un point de vue politique, c'est de se placer dans la lignée de la Vème République. A savoir que le président de la République est quelqu'un qui se situe au-dessus des partis. On voit bien que, en se disant ni de droite, ni de gauche, comme de Gaulle, il essaye de se positionner comme ça. Cela débouche sur un discours qui n'est pas figé. Il ne développe pas un discours technique de secrétaire d'Etat mais plutôt une idée, une écriture du roman national. Forcément, comme cela fait depuis Mitterrand que l'on n'a pas vu ça, cela apparaît comme une nouveauté. En réalité, ce côté mystique a été utilisé auparavant par beaucoup de candidats à la présidentielle.

"Il casse les codes"

Le côté mystique apparaît comme quelque chose de nouveau, de prédicateur américain, d'importer mais, en réalité, cela correspond vraiment à ce que lui essaye de définir dans cette campagne présidentielle: qu'est-ce que l'incarnation de la nation en 2017? Comme il essaye de dépasser ses concurrents politiques, cela apparaît décalé, un peu bizarre. Cela heurte la lecture que l'on peut avoir d'un meeting politique traditionnel. Mais il ne faut jamais oublier qu'il a toujours eu comme ligne de conduite de casser les codes. Là, effectivement, il casse les codes. Mais personne n'y comprend rien…

Emmanuel Macron, dans ses meetings, n'a pas encore réussi à toucher les gens, à jouer sur l'émotion, à trouver la corde sensible et à jouer dessus. Du coup, on a l'impression que ceux-ci sont ratés et que l'on voit les ficelles qu'il utilise. Sans doute aussi parce que c'est un débutant dans ce genre d'exercice".

Propos recueillis par Maxime Ricard