Réserve parlementaire: "On nous ampute de nos moyens par méconnaissance et dogmatisme"

Le député de la Manche Philippe Gosselin à l'Assemblée nationale, en décembre 2016. - AFP
Philippe Gosselin est député (LR) de la Manche. Il a milité contre la suppression de la réserve parlementaire.
"Personne n’a vraiment compris ce qu’était la réserve parlementaire. A En Marche!, on leur a dit pendant la campagne législative que c’était amoral, que c’était de l’argent sale… Mais ils commencent à comprendre que ce n’est pas nécessairement ça et que ça n’avait rien à faire dans un texte sur la confiance. Même à En Marche!, il y en a quelques-uns qui le disent.
Derrière tout ça il y a deux conceptions du rôle de parlementaire. Beaucoup ne cherchent pas à être un élu qui est sur le terrain. Ils s’estiment législateur, point barre. Nous on s’estime législateur, c’est évident. Mais, la deuxième jambe elle est dans nos circonscriptions. On a besoin pour répondre à un certain nombre de demandes, d’avoir des moyens qui ne rentrent pas dans les cadres de subventions habituelles.
"Quand vous apportez 3000 ou 4000 euros, vous êtes un peu décisif"
Ce sont des petits coups de pouce. Moi, on vient me voir quand on est parent d’élève et qu’il y a un déplacement pédagogique. Ils ont besoin de 1000 ou 2000 euros pour financer le car. C’est l’association de judo qui a besoin de changer son tatami et qui a besoin d’un coup de pouce parce que la commune peut pas toujours tout mettre. C’est aussi pour les petites communes rurales: quand vous apportez 3000 ou 4000 euros, vous êtes un peu décisif.
Personne dans ma circonscription ne me dit que c’est opaque. C’est En Marche! qui a décidé que c’était opaque. En Marche! est constitué de nouveaux élus qui ne connaissent rien au fonctionnement d’une collectivité locale, pour certains du monde associatif, et encore moins du mandat de parlementaire. Quand vous accumulez tout ça, malgré tout, ils sont pleins de certitudes. On leur a dit que c’était du clientélisme. Sauf que certains commencent à se rendre compte que la réserve parlementaire ce n’est peut-être pas si idiot que ça. J’en ai plusieurs qui me l’ont dit en aparté, sauf que pour le moment ils appuient sur le bouton quand on leur dit ‘on vote’.
"Le procès d’intention, c’est une démarche d’En Marche!"
En réalité, ça n’est pas opaque. C’est publié sur le site de l’Assemblée nationale. Les montants, le nom de la commune bénéficiaire, de l’association… Et dans les journaux de province, c’est publié, on voit qui a fait quoi, de droite ou de gauche. Et il n’y aucune polémique, c’est transparent. Après chacun peut fixer les règles et les faire connaître. Dans la plupart des circonscriptions, il n’y a pas de procès d’intention. Le procès d’intention, c’est une démarche d’En Marche! qui a décrété que cette réserve n’était pas bonne.
Mais il y a un dossier à faire. L’association doit avoir plus d’un an d’existence pour pouvoir présenter un premier rapport moral, un premier rapport financier. Fournir les statuts. Elle remplit un dossier d’une vingtaine de pages. Si on était une association sportive, il est épluché par le ministère des sports, et une fois que les achats sont faits, on transmet la facture acquittée. Et ce n’est qu’à ce moment-là que le ministère transfert les fonds à l’association par virement.
"Jamais la moindre somme n’a été versée sur le compte du député"
Cet argent-là, contrairement à ce qu’ont laissé croire certains, n’a jamais transité sur le compte du député. Jamais la moindre somme, ni en espèce, ni numéraire, ni en digitale n’a été versée sur le compte du député. Ce sont des fonds versés par les préfectures ou les ministères. Le rôle du député c’est simplement de fixer les critères.
A ceux qui viendront me voir pour des fonds, je dirai désormais de s’adresser à la majorité, qui n’a rien compris à la vie locale. Je ne vais pas me priver. Je ne vais pas porter cette responsabilité qui n’est pas la mienne. J’enverrai à tous les maires de ma circonscription pour bien expliquer que cette suppression, ce n’est pas de mon fait. C’est une vision très technocratique de l’exercice du mandat de député ou de sénateur. On nous a amputé de moyens par méconnaissance et par dogmatisme".