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Un "gouvernement des juges": pourquoi est-ce une expression exagérée?

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Depuis la condamnation de Marine Le Pen, certains dénoncent une décision politique, et remettent le gouvernement des juges au centre du débat. Mais c’est une expression employée à tort. On vous explique pourquoi.

Alors que Marine Le Pen a été condamnée lundi dans l'affaire des assistants parlementaires européens, avec une inéligibilité de cinq ans, certains y voient une décision politique. Jordan Bardella a même déclaré sur Europe1: "ce n’est plus le gouvernement des juges, c’est la tyrannie des juges". Mais, c’est une expression qu’on emploie à tort.

Le gouvernement des juges est un très vieux débat. Cela sous-entend que les juges peuvent court-circuiter la démocratie, en prenant des décisions dans leur coin, sans avoir à rendre de compte aux électeurs. Mais ce point de vue est exagéré.

Origine des États-Unis

A l’origine, l’expression concerne les Etats-Unis. Elle était employée pour critiquer la Cour suprême américaine, et dire qu’elle avait trop de pouvoir. Depuis le début du 19e siècle, cette cour peut annuler des lois qu’elle juge contraires à la Constitution. Mais le problème est que ces juges ne sont pas élus. Ils sont donc critiqués sur leur manque de légitimité.

Depuis, le débat ne s’est jamais arrêté. Un des sujets favoris de Donald Trump, président américain, est justement de critiquer le gouvernement des juges. Et ce n’est pas le seul président à l’avoir fait. Un des grands pourfendeurs du gouvernement des juges était Franklin Roosevelt, président démocrate, élu 4 fois de suite entre 1932 et 1944, et qui a gagné la Seconde Guerre mondiale.

Le pouvoir du Conseil constitutionnel

En France, nous avons aussi un Conseil constitutionnel, créé à l'origine par le général de Gaulle, en 1958. Le peuple a voté pour ce Conseil, puisqu'il faisait partie de la Constitution de la Ve République, approuvée par référendum. A l’origine, le Conseil constitutionnel devait seulement s’occuper de la séparation des pouvoirs entre le gouvernement et le parlement. Mais petit à petit, son pouvoir a grandi.

A partir de 1971, il a, lui aussi, le droit d’annuler une loi qu’il juge contraire à la Constitution. Et c’est justement cela que certains lui reprochent. Pour ses détracteurs, la loi ne devrait être faite que par les représentants du peuple, c’est-à-dire par le Parlement.

Traités internationaux

A l’origine, sous la Révolution française, les juges devaient dire la loi rien que la loi. Du moins en principe. C’était l’expression parfaite de la volonté populaire. La loi, c’est un peu un mythe fondateur de notre République. Mais les choses ont bien sûr évolué depuis.

Maintenant, il faut respecter plusieurs traités internationaux, les engagements vis-à-vis de l’Union européenne, etc. Tout est plus compliqué. Et le problème pour certains est que ces traités sont hiérarchiquement au-dessus du droit français. Donc là encore, ça renvoie à l’idée d’une justice qui ne rend pas de compte aux électeurs.

C’est normal que cela pose des questions. Mais ces traités internationaux ont été votés par le Parlement français. Donc c'est indirectement la volonté du peuple, qui lui fait confiance. Et à propos de l’interprétation de la loi par les juges, dans les faits, il est impossible d'appliquer un texte sans l’interpréter. Et parfois, les juges servent aussi les Français. Un juge est un être humain, qui peut être sévère, mais qui peut aussi être sympa et épargner. Il n'y a pas vraiment le choix. Au final, ce sont les juges ou une intelligence artificielle.

Arthur Chevallier avec SG