"Les Canadair ne se pilotent pas seuls": les pompiers veulent plus de moyens contre les incendies

Le plus gros incendie en France depuis au moins 2006, et pour la zone méditerranéenne depuis les années 1970, sévit toujours dans l'Aude ce jeudi, pour une troisième journée.
Parti mardi après-midi du village de Ribaute, entre Carcassonne et Narbonne, le plus gros incendie de l'été en France a ravagé 16.000 hectares de végétation et de pinède mercredi soir, "plus que la commune de Paris", selon le colonel Magny. Une femme de 65 ans a été retrouvée morte à son domicile, dévasté par les flammes.
"Les avions ne se pilotent pas seuls"
Face à l'incendie, tous les moyens aériens nationaux ont été mobilisés. Comme souvent, lors d'un gros feu de forêt, la question des moyens ressurgit. "Les camions ne se conduisent pas seuls, les avions aussi. Il faut nécessairement conjuguer de nouveaux investissements sur les moyens supplémentaires avec une politique ambitieuse quand il s’agit de recrutement et d’engagement citoyen", martèle ce jeudi sur RMC le commandant Eric Brocardi, porte-parole de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers. 256.000 pompiers sont recensés en France sont 200.000 volontaires.
En 2022, après les mégafeux qui avaient sévi en Gironde, des pactes capacitaires feux de forêts avaient été mis en place. "En 2023, 344 véhicules ont été commandés, dont 226 camions-citerne feux de forêts et 99% des camions ont été fabriqués en France", peut-on lire sur le site du ministère de l'Intérieur.
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Deux commandes de Canadair annulées en 2024 sous Gabriel Attal
Emmanuel Macron avait aussi promis la commande de 16 Canadair, livrés d'ici à 2028. Actuellement, la flotte française en est constituée seulement de 12, vieillissants, avec "30 ans de moyenne d'âge", rappelle dans Le Monde Jean-Philippe Côté, vice-président du programme De Havilland Canada. Au total, ce sont 23 avions dont dispose la France, en comptant les Dash et Beechraft, ainsi que 37 hélicoptères.
Quatre Canadair devaient être commandés en 2024. Sauf que la rigueur budgétaire initiée par le gouvernement de Gabriel Attal, à l'époque en poste à Matignon, aura raison de deux appareils.
"Un décret d'annulation de crédits du 21 février 2024 (...) a contraint la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises à renoncer à la perspective de commande de deux Canadair", peut-on lire dans un avis de la sénatrice Françoise Dumont relatif au projet de loi finances de 2025. La DGSCGC a confirmé l'exactitude de cette information auprès de TF1. Le parti présidentiel Renaissance avait dénoncé en juillet des "fausses informations colportées par la gauche, l'extrême droite et les réseaux complotistes".
"A l’arrivée, la flotte de bombardiers d’eau devrait être composée de 14 appareils d’ici à 2033", rapporte Le Monde. Un effet de loupe regretté par Eric Brocardi, au micro d'Apolline Matin. "Tous les médias mettent en avant les Canadairs, mais on ne peut pas lutter uniquement avec les Canadairs. On combat avec les moyens terrestres, avec les pilotes de la sécurité civile. On est très clair : l’un ne va pas sans l’autre. C’est la coordination entre les deux, sur le terrain, qui permet une action efficace."
"La lutte contre les incendies de forêt doit devenir une cause nationale"
Le porte-parole de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers plaide pour une "bouffée d'oxygène" dans les budgets des conseils départementaux, qui financent en grande partie les sapeurs-pompiers, et ce, afin de réaliser un véritable "coup de pouce dans l'équipement de moyens supplémentaires".
La flotte n'a pas besoin d'être "doublée" mais "confortée", estime Eric Brocardi. "Le risque, c’est que l’on soit confronté à un feu (comme dans l’Aude), mais sans moyens suffisants pour faire face simultanément à un autre feu situé sur le pourtour méditerranéen", craint-il.
Pas assez d'"innovation"
Eric Brocardi le répète, la politique du gouvernement manque d'ambition sur le sujet et pointe aussi la responsabilité des "contraintes administratives." "On ne raisonne pas comme les Américains. C’est toujours une alerte de voir des contraintes administratives très lourdes, plutôt que de pousser vers l’innovation", regrette l'intéressé, avant de conclure: "Nous devons conjuguer des victoires en proposant de continuer à faire émerger une vraie filière incendie française et européenne."