Menaces contre le maire, église taguée: pourquoi l’affaire des "menhirs de Carnac" dérape

Une commune de Bretagne, très connue pour ses menhirs, au cœur d’une polémique. A Carnac, dans le Morbihan, le site des alignements mégalithiques, érigés entre 4.000 et 2.000 ans avant notre ère, est visité tous les ans par près de 600.000 personnes. Ils ont été inscrits en 1996 sur la liste de l'Unesco en vue d'une candidature d'inscription au Patrimoine mondial. Et tout est parti d'un coup de gueule, il y a dix jours. Celui de Christian Obeltz, habitant de Carnac et archéologue. Le 2 juin, il s'insurge sur un site internet contre des "aménagements brutaux aux abords des alignements de menhirs". Et parmi ces aménagements il y a la construction d’un Mr.Bricolage sur un site, le Chemin de Montauban.
Des fouilles ont été menées à cet endroit en 2015, mettant au jour des pierres, 39 petits menhirs, parfois déplacés, formant deux clôtures, dissimulés dans les taillis, des sortes de petits murets en pierre sèche. Des petites stèles en granit, dont l’une qui était dans sa place d’origine "depuis 7.000 ans", selon l'archéologue de Carnac.
Le chantier de construction de ce Mr.Bricolage a bien été lancé, à la fin de l'année dernière. Le permis de construire a été accordé par la mairie, ce qui peut être surprenant. La mairie s'est rapidement défendue en disant que la zone n'était pas en zone de prescription archéologique, que c'est un terrain privé et un investissement privé, qu'elle a reçu un dossier conforme de la part de Mr.Bricolage, et surtout qu'elle s'est remise à l'avis positif des experts, notamment ceux de la Drac, la direction régionale des Affaires Culturelles de Bretagne, pour accorder ce permis de construire.
Ensuite, tout le monde s'est un peu refilé la patate chaude. La Drac de Bretagne a renvoyé la balle au service régional d’archéologie qui renvoie vers… la Drac, qui s’est finalement exprimée en parlant "du caractère encore incertain et dans tous les cas non majeur des vestiges".
En gros, la Drac estime qu'il ne s'agit pas là d'un site archéologique majeur. Et donc le maire de Carnac estime avoir "parfaitement respecté la législation". Et qu'il ne s'agissait pas de 39 menhirs détruits, mais de quatre petites pierres de 60 cm de haut environ. Quatre pierres qui ont été détruites, ce que l'élu dit regretter.
Un tsunami de haine sur les réseaux sociaux
A la suite de cette histoire, une association de défense du patrimoine a annoncé avoir déposé une plainte contre X, pour destructions volontaires aggravées. Mais il y a plus grave. Des internautes disent leur indignation sur les réseaux sociaux et ça dérape: le maire de Carnac reçoit des menaces de mort et vit aujourd'hui sous la protection des gendarmes.
Il parle d'un tsunami de haine sur les réseaux sociaux, qui a touché son épouse également. Ses enfants ont reçu des centaines de messages très violents. On a menacé de brûler sa maison. Des rondes sont effectuées par les gendarmes autour du domicile de l'élu. Et une église historique de Carnac a été taguée, dimanche matin. Une inscription où l'on peut lire "Tout raser comme les menhirs". Bref, ça part dans tous les sens. Le symbole est très fort: des menhirs millénaires, détruits par une chaîne de grande distribution, c'est le petit village qui ne résiste plus encore et toujours à l'envahisseur. C'est Astérix qui capitule.
Et dans cette histoire, les médias ont peut-être aussi leur part de responsabilité. Des médias qui souvent, pour illustrer leurs articles, mettait sur les réseaux sociaux de superbes photos d'alignements de menhirs, des pierres de plusieurs mètres de haut, accompagnés d’une légende comme: "39 menhirs de Carnac détruits pour construire un magasin de bricolage". Objectif: créer du flux, attirer les internautes et les faire cliquer sur les articles.
Sauf que les menhirs dont on parle ce matin ne ressemblent franchement pas à ça. On l'a dit, ce sont des petites stèles, une bonne partie enfouies sous la végétation. Et ces photos peuvent laisser penser que le maire a autorisé la construction d'un magasin de bricolage au beau milieu d'un site exceptionnel. Ce qui, de façon factuelle, n'est pas tout à fait exact, car les alignements de Carnac sont à 3 km de ce site. Evidemment, la question sur l'importance réelle ou non de ce site est un autre débat, qui doit se passer peut-être entre archéologues et non pas entre des comptes Twitter anonymes.