"C’est une injustice incroyable": des députés veulent la déconjugalisation de l'allocation de soutien familial

Une proposition de loi pour déconjugaliser l'allocation de soutien familial (ASF), la prestation sociale réservée aux parents isolés qui élèvent seuls leurs enfants, est examinée ce mercredi à l'Assemblée. Cette aide est versée à près de 800.000 parents, souvent des mères, dont près de 700.000 sont privés de pensions alimentaires, car leur ex-conjoint ne paye plus. Dans les autres cas, l'ASF est versée pour compléter des petites pensions.
Aujourd'hui, cette prestation de 187,24 euros est suspendue quand le parent gardien de l'enfant se remet en couple, quels que soient les revenus du nouveau conjoint.
La proposition de loi de La France Insoumise, examinée ce mercredi en commission des affaires sociales, permettrait de supprimer cette clause jugée injuste. C'est ce qu'on appelle la déconjugalisation.
Cette mère, scénariste, pourrait encore toucher ce substitut de pension alimentaire, en quelque sorte, si elle était encore célibataire, avec donc 187,24 euros d'allocation de soutien familial par mois pour son fils. Mais comme elle s'est remise en couple, cette aide lui a été retirée.
“J’avais besoin de cet argent et je ne l’ai plus jamais eu. Et je n’ai jamais eu non plus la pension alimentaire. C’est une injustice incroyable”, assure-t-elle.
Marina raconte qu'elle a "beaucoup souffert" de la suppression de cette aide il y a trois ans. “Je me suis senti redevable en fait. Ça complique la relation avec le nouveau conjoint”, appuie-t-elle.
"Pas le luxe de me passer cette aide"
Les députés se sont inspirés du travail de plusieurs parents isolés. La Collective des mères isolées, une association qui a rédigé une proposition de loi proposant notamment de réformer l'allocation de soutien familial, a été auditionnée récemment à l'Assemblée nationale avec le Mouvement des mères isolées.
Leurs travaux soulignent que la conjugalisation de l'ASF peut entraver la vie amoureuse des parents concernés. Sylvie, membre de la Collective des mères isolées, vivant seule avec ses enfants de 10 et 7 ans, ne s'est jamais remise en couple depuis sa séparation.
“Je n’ai pas le luxe de me passer cette aide-là. Ce n’est pas logique. En quoi une aide financière que l’on perçoit pour nos enfants, doit dépendre de notre statut amoureux? C’est complètement archaïque en fait”, juge-t-elle.
Ces parents isolés ne comprennent pas pourquoi il est implicitement demandé au nouveau conjoint, qui n'a aucune autorité légale, de payer pour l'enfant.
La sociologue Emilie Biland-Curinier, professeure à Sciences Po et spécialiste de ces questions, souligne cette même "incohérence": "C'est problématique. Quand une femme se remet en couple, son nouveau partenaire n'a aucune obligation à l'égard de ses enfants. L'obligation alimentaire ne concerne que les parents. Or, ce nouveau partenaire se retrouve obligé de compenser la pension alimentaire. C'est un enjeu de justice sociale, notamment pour les mères et les beaux-pères, de changer cette règle."
Contacté par RMC, le ministère des Solidarités et des Familles, "très réservé sur ce texte", estime que "la solidarité nationale ne prime pas sur la solidarité familiale". Les mères concernées espèrent que les députés voteront ce texte, à l'encontre de cet avis du gouvernement, pour défendre leur cause qu'elles jugent "transpartisane".