"Ca infantilise les parents": instaurer un couvre-feu numérique pour les jeunes, contreproductif?

Face au fléau des écrans chez les enfants, l'ex-Premier ministre Gabriel Attal, veut instaurer un couvre-feu numérique: "L’état d’urgence doit être déclaré contre les écrans", assure le député dans une tribune publiée dans Le Figaro avec le pédopsychiatre Marcel Rufo.
Pour "sauver la santé mentale" la jeunesse et "désintoxiquer" les jeunes, l'élu et le praticien proposent d'interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans et limiter leur accès aux autres jeunes. Les 15-18 ans se verraient ainsi limiter l'accès à Tiktok, Snapchat et Instagram, de 22h à 8h du matin. Pour rendre les plates-formes moins attractives, après 30 minutes d'utilisation, l'écran sur le réseau social utilisé passerait en noir et blanc pendant une heure au moins.
De quoi inquiéter ces jeunes lycéens bordelais qui passent au moins 5h par jour sur les réseaux sociaux: "Je ne vais pas tenir! je n'aime pas lire, comment on va faire pendant les vacances? Une heure dans la journée, c'est pas beaucoup", assurent-ils de concert.
Pas de quoi les ravir donc, mais de quoi rassurer ce père de trois enfants, très attentif à ce sujet: "Je pense que ça limiterait l'addiction. Quand c'est illimité, ce sont les parents qui doivent gérer", constate-t-il.
"Ça infantilise les parents"
Mais cette injonction pourrait être contreproductive, estime ce mercredi sur RMC et RMC Story Michael Stora, Psychologue et fondateur de l’observatoire des mondes numériques en sciences humaines: "Dès que l'Etat prend des mesures sous forme d'injonction, cela fait souvent un effet contreproductif et ça infantilise les parents".
Le praticien qui salue l'interdiction voulue des réseaux sociaux pour les moins de 15 ans plaide pour "éduquer" les enfants alors que le problème pour lui se trouve sur les contenus parfois "très problématiques".
"Les adolescents sont intelligents et l'éducation numérique devrait passer par des échanges à l'école pour parler des effets des réseaux sociaux", ajoute Michael Stora.
Selon le psychologue, l'éducation doit aussi se faire au "sein de la cellule familiale": "Un des drames familiaux est que chacun se noue dans sa bulle, il faut laisser la capacité aux parents de fixer les limites qui doivent s'approprier la décision de quand fixer ces limites", assure-t-il.
Difficultés techniques
Le rôle des parents est essentiel d'autant plus qu'imposer de telles restrictions aux réseaux sociaux est techniquement difficile David Soria, responsable de la sensibilisation des jeunes au campus cybersécurité Nouvelle Aquitaine: "Rien de ce qui est demandé lors d'une inscription sur un réseau social n'est infalsifiable ou incontournable. On peut utiliser un VPN ou simplement prendre la carte d'identité de ses parents", alerte-t-il.
Pour contrôler l'accès des jeunes aux réseaux sociaux, Gabriel Attal et Marc Rufo envisage aussi la création d'un "addict-score public", sur le modèle du nutri-score pour "évaluer le potentiel addictif des applications et des plateformes" et veulent que "2% des revenus générés" par les activités des plateformes en France aillent à un fonds finançant la recherche et la prise en charge de la santé mentale.
De son côté, le gouvernement assure travailler "activement" sur le sujet. La ministre en charge du Numérique Clara Chappaz s'est réjouie mardi sur Franceinfo que ce sujet "soit dans le débat public".