Éducation à la sexualité dès la maternelle: "L'intitulé fait peur", explique un directeur d'école

Des cours d'éducation à la sexualité en fonction de l'âge des élèves. Le Conseil supérieur des programmes, une instance indépendante en charge de projets de programme au sein du ministère de l'Éducation nationale, a publié son projet de cours d'éducation à la sexualité pour les établissements scolaires, des cours de la maternelle au lycée.
Le Conseil défend une approche progressive qui se divisera en deux étapes. D'abord une "éducation à la vie affective et relationnelle" de l'école maternelle au CE2, puis une "éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité" du CM1 à la terminale.
"Le rôle de l'école est d'apporter des éléments de réflexion et de culture au sens très large, des sciences aux humanités", a communiqué le Conseil, après neuf mois de réflexion.
L'idée est aussi de parler de sexualité autrement qu'en parlant des risques qu'elle peut engendrer. "Il nous a semblé important d'avoir une approche positive de la sexualité et, par exemple, de faire une place à la notion de plaisir, explique-t-il. Bien sûr, les questions sanitaires sur les risques restent abordées."
Des explications "simples et factuelles"
Sur le sujet sensible de la pornographie par exemple, le Conseil supérieur des programmes considère qu'il ne faut pas que les élèves y aient accès avant la classe de 4e, "même si c'est démocratisé, certains élèves manquent de maturité et ne seront pas prêts." Au-delà du corps enseignant, les personnels de vie scolaire et les médecins et psychologues présents dans l'établissement seront aussi impliqués.
Le but est avant tout d'expliquer "en étant très simple et très factuel" assure ce vendredi sur RMC et RMC Story Karim, directeur d'une école maternelle en Seine-Saint-Denis.
"Ça va être surtout l'éducation au respect de soi, du corps, de l'autre", enchaîne-t-il sur le plateau d'Estelle Midi.
Par exemple dans l'exemple d'un bisou : "Vous avez un enfant qui veut faire un bisou à un autre enfant qui n'a pas envie et se recule car il ne veut pas. Alors on explique que 'c'est gentil, que tu veux être gentil avec l'autre mais lui ou elle n'a pas envie, donc il faut que tu respectes. Tu ne dois pas essayer de forcer celui en face de toi à faire un bisou", précise Karim.
Pour Grégoire Ensel, président de la Fédération des parents d'élève FCPE, c'est "essentiel". "Évidemment que l'école a un rôle à jouer pour pouvoir permettre aux enfants de comprendre ce qui peut se faire et ce qui ne peut pas se faire, de manière adaptée de la maternelle au lycée", argumente-il.
Un avis partagé par Lumir Lapray, militante écologiste, qui ajoute que "dans une famille sur dix, la famille c'est le lieu des violences sexuelles pour les enfants, je ne vois pas trop un père incestueux faire faire un cours d'éducation sexuelle à son enfant".
Certains parents ont peur
Mais certains parents s'inquiètent de ce qu'on va dire à leurs enfants. Dans l'école maternelle où il officie, Karim en croise souvent: "On vient me voir, on discute à la porte et ils me disent 'vous avez vu que... il paraît que... on m'a dit que...' et les réseaux sociaux, ça n'aide pas."
Mère de trois enfants, âgés de 4, 10 et 14 ans, Laurence est "complètement opposée" au projet pour la maternelle et l'école primaire:
"À cet âge-là, il faut leur laisser leur innocence"
"J'ai mon fils qui est rentré un soir d'école avec une fiche à remplir sur la puberté. Tout de suite, il m'a dit 'j'ai rien compris et même en classe j'étais choqué, mes camarades ont été choqués qu'on parle de ça'. J'ai envoyé un mail à la maîtresse, elle m'a dit qu'elle était obligée de le faire et que c'était dans le programme depuis peu et qu'elle aussi était choquée d'en parler", cette habitante de Haute-Garonne.
Karim regrette l'intitulé du projet qui "fait peur". "Mettre le mot sexualité quand on parle d'enfant, forcément ça va créer un problème" selon lui, car "tout ce qui gravite autour de la sexualité, ça fait peur."