Harcèlement scolaire: les parents de Nicolas envisagent de porter plainte
"Nous ne comprenions pas. Nous ne comprenons toujours pas", confie la mère de Nicolas. Les parents de l’adolescent de Poissy qui s’est suicidé à la rentrée ont réagi ce dimanche auprès de l’AFP après la publication des échanges de courriers entre la famille, le proviseur de son lycée et le rectorat de Versailles.
Dans ces courriers de l’administration révélés samedi par BFMTV, qualifiés de "honte" par le ministre de l’Education Gabriel Attal, le rectorat jugeait "inacceptables" des propos des parents qui auraient "remis en cause" l'attitude des personnels de l'établissement. Il demandait également aux parents d'adopter une "attitude constructive et respectueuse" à son égard, en leur rappelant les risques pénaux d'une dénonciation calomnieuse.
"Nous avons été outrés et effarés de recevoir de telles lettres", a déclaré la mère du lycéen, Béatrice. Ces commentaires montrent que Nicolas est enfin "reconnu dans sa souffrance et son harcèlement", a dit sa mère à l'AFP, mais pour autant ils ne la dissuadent pas d'une éventuelle action en justice. "Avant de prendre cette décision, nous attendons les résultats des enquêtes et les actions qui seront menées par le gouvernement".
"Sur le contenu des courriers que nous avons reçus, à ce jour, nous n'avons pas eu de réaction de la part des équipes pédagogiques tant sur le fond que sur la forme", a-t-elle déploré. "Nous ne savons toujours pas si une sanction même symbolique a été émise à l'encontre des harceleurs".
Un premier signalement à la rentrée 2022
Nicolas s'est suicidé le 5 septembre. Un an auparavant, peu après la rentrée 2022, ses parents avaient signalé à l'équipe pédagogique du lycée de Poissy qu'il était harcelé.
Sa situation avait "commencé à se dégrader" en octobre 2022, a-t-elle raconté. "Mais nous avions confiance car le professeur principal était en relation directe avec le papa de Nicolas. Ils se sont vus plusieurs fois".
A la mi-mars, les parents ont appris par son psychologue que leur fils avait fait une tentative de suicide en janvier. "C'est à ce moment-là que nous avons tout mis en branle pour aider notre fils, main courante, rendez-vous avec le proviseur, échanges de courriers, etc.", a-t-elle énuméré.
Après un premier rendez-vous avec l'équipe pédagogique, les parents ont envoyé un nouveau courrier au proviseur, où ils l'informaient qu'une main courante avait été déposée. Mais ils n'ont reçu en réponse que les lettres rendues publiques samedi.
A la rentrée, Nicolas avait changé d'établissement. "Cet été, il était heureux de passer des vacances avec moi. Il devait faire un CAP en alternance en électricité. A la rentrée, il était stressé parce qu'il commençait quelque chose de nouveau", a rapporté Béatrice.
Gabriel Attal, qui était aux côtés de la famille vendredi pour les obsèques de l'adolescent de 15 ans, a indiqué samedi qu'il attendait "sous quinze jours" les conclusions d'une enquête administrative qu'il a diligentée, et qu'il en tirerait "toutes les conclusions, y compris en matière de sanctions".
Réunion des recteurs et des rectrices
Gabriel Attal doit réunir lundi après-midi tous les recteurs et rectrices "pour un audit dans l'ensemble des rectorats sur toutes les situations de harcèlement signalées aux rectorats sur l'année passée".
Pour Nora Fraisse, fondatrice de l'association de lutte contre le harcèlement Marion la main tendue, "ce genre de courriers où se mêlent culpabilité et parfois menace d'enquête sociale sont malheureusement fréquemment envoyés dans ces cas-là".
Après un suicide, il est "normal" qu'un tel courrier "choque", a estimé de son côté Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT. Il faut cependant "attendre les résultats de l'enquête administrative" pour "savoir exactement ce qui s'est passé", a-t-elle souligné lors d'une conférence de presse.
Pour Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du SNPDEN-Unsa, principal syndicat des chefs d'établissements, "l'académie de Versailles a vécu le drame Samuel Paty, et il y a donc une protection et un soutien des personnels peut-être plus rapides qu'ailleurs".