L'école éduque-t-elle encore correctement nos enfants à l'écriture manuscrite?

L'écriture manuscrite en voie de disparition? Ou, en tous cas, en forte dégradation? La question se pose au lendemain de la publication d'une tribune de Gabriel Attal dans le journal Le Monde, dans laquelle le ministre de l'Education nationale écrit vouloir renforcer la maîtrise de l'écrit à l'école.
"Nous devons faire plus et nous devons faire mieux", dit-il dans le quotidien national. Alors, pour y arriver il annonce notamment deux mesures : la fin des textes à trous à l'école et aux collèges, ainsi que l'instauration d'un test de rédaction dans les évaluations nationales à l'entrée au collège pour "détecter les fragilités des uns et les talents des autres".
Ces annonces s'ajoutent à celles déjà formulées fin août : deux heures par jour consacrées à la lecture au CP, et un texte "libre" écrit chaque semaine pour les élèves en classe de CM2. Sur RMC, dans la Matinale WeekEnd, la graphopédagogue Laurence Pierson a partagé sa critique sur cette intervention du ministère de l'Education, elle qui préfère l'autonomie des enseignants afin de pouvoir mieux s'adapter aux spécificités de chacune de leur classe.
"Par rapport à quand j'ai commencé l'enseignement dans les années 90, on avait une véritable liberté pédagogique, tandis que maintenant les enseignants sont de plus en plus considérés comme des exécutants, c'est un problème", déplore Laurence Pierson, graphopédagogue.
Les CM1 français sous la moyenne européenne
Avant de savoir si cela est suffisant, il faut tout d'abord savoir si les petits Français sont aussi mauvais que cela en écriture. Et malheureusement… de nombreux professeurs déplorent une baisse du niveau ces dernières années.
D'ailleurs selon Gabriel Attal, près d'un élève sur trois ne sait pas lire ou écrire correctement à son entrée en 6ème. De plus, le niveau d'orthographe a beaucoup baissé. Selon les statistiques du ministère, le nombre moyen d'erreurs sur une même dictée à doublé en 35 ans.
Pourtant, 60 % du temps scolaire est consacré à l'apprentissage des fondamentaux : écrire, parler et compter, ce qui fait de la France le pays de l'OCDE qui y consacre le plus de temps. Mais la stratégie ne paie plus : les performances des enfants en CM1 se situent sous la moyenne des pays d'Europe. Et la France atteint tout juste la moyenne dans le palmarès Pisa, classement référence qui évalue le niveau des élèves de 15 ans.
Alors, s'il faudrait poser la question aux professeurs afin de savoir si la faute incombe au personnel éducatif, on peut tout de même avancer plusieurs hypothèses pour expliquer la situation. D'abord le développement des outils numériques, les ordinateurs parfois dès l'école maternelle, les téléphones portables… Et tout le monde l'a remarqué, en conséquence, on écrit de moins en moins à la main.
Des enseignants peu formés...
Le nombre d'heures consacrées à l'apprentissage de la graphie a aussi fondu comme neige au soleil. Une dizaine d'heures par semaine dans les années 60 contre à peine… Deux heures aujourd'hui!
Une situation que déplore Laurence Pierson, graphopédagogue et ancienne professeur des écoles. Plus globalement selon elle, "il y a une réduction du temps scolaire avec 24 heures d'école par semaine avec des classes plus chargées" mais aussi "des missions plus importantes", ce qui fait que l'on "a moins le temps pour certains apprentissages" comme l'écriture manuscrite.
De plus selon la graphopédagogue, "il y a eu une interruption de la chaîne de transmission, les jeunes enseignants actuels n'ont eux-mêmes pas bénéficié d'une éducation à l'écriture manuscrite", ce qui donc ne peut qu'entraîner une dégradation de l'apprentissage de l'écriture aux plus jeunes.
... et des classes surchargées
Du côté des syndicats, on préfère dénoncer les classes surchargées qui provoquent une réelle dégradation des heures de cours données aux élèves.
Le FSU-SNUipp estime en effet que "les conditions d'apprentissage sont dégradées par des effectifs chargés", avec des classes à 30 élèves qui ne permettent pas de travailler en petits groupes. Il faut d'abord comprendre ce qui fait obstacle à l'écriture, a réagi hier la secrétaire générale du principal syndicat de l'enseignement. "Depuis six ans, les injonctions portent sur le décodage en lecture, et pas sur la compréhension. Et pour écrire il faut comprendre", explique Guilaine David.
En tous cas, les auditeurs et internautes de RMC ont tranché dans le vif : pour 90% d'entre eux, l'école n'éduque clairement plus les enfants correctement à l'écriture manuscrite.