Rentrée: pourquoi la généralisation du dispositif "portable en pause" au collège n'est pas prête

Mercredi, Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, tiendra sa conférence de presse de rentrée. Elle parlera notamment d’une mesure phare, qui doit être généralisée dans tous les collèges à la rentrée: le dispositif “portable en pause”.
Concrètement, avec ce dispositif, les élèves qui possèdent un téléphone le donnent à l’entrée de l’établissement et le reprennent à la sortie ou bien le rangent dans une pochette cadenassée dans leur sac, lorsqu’ils sont en cours.
Ces dispositifs ont déjà été testés l’an dernier dans une centaine de collèges. Mais une mesure annoncée ne veut pas forcément dire mesure appliquée. D’abord parce qu’il faut mettre en branle 5.000 collèges avec une idée qui ne séduit pas tout le monde.
Alors, il y a plusieurs façons de mettre en œuvre ce dispositif. Il y a d’abord ces pochettes individuelles qui doivent rester fermées dans le sac de l’élève. Romuald Guégan dirige la société Tiriad Editions qui livre en ce moment une centaine de collèges et explique comment ça marche :
"L'élève arrive le matin avant de rentrer dans l'établissement. Il va insérer son téléphone portable dans sa pochette. Il va verrouiller la pochette. Il ne peut donc plus l'ouvrir. En fin de journée. Il va retrouver dans son cheminement à la sortie une borne dédiée à la réouverture de sa pochette. Il va donc apposer la pochette sur celle-ci et retrouver l'usage de son précieux téléphone", détaille-t-il.
Un problème logistique et financier
Les surveillants doivent donc vérifier à l’entrée le matin que la pochette est bien fermée. Celle-ci coûte une dizaine d’euros. Dans le collège que Romuald vient d'équiper, ce sont les familles qui vont payer. Et selon les représentants des parents d’élèves de l’établissement, ils sont plutôt d’accord avec cette idée.
Mais est-ce que les familles vont vraiment accepter de payer? On se doute bien que non, et c’est pour ça que la mesure est loin d’être appliquée partout. Parce que si les familles ne veulent pas payer, c’est aux départements de le faire. Or, la grande majorité d’entre eux ne veulent pas financer ce genre d’équipements, que ce soient des pochettes ou des casiers pour stocker les téléphones.
"Pourquoi mettre en place une usine à gaz alors que normalement la loi, le code de l'Éducation dit que les téléphones portables sont interdits ? Il n’y a pas de financement prévu. Nous, l'évaluation qui est faite par Départements de France, c'est un coût de 130 millions d'euros pour les départements. Si l'Éducation nationale dit qu'il faut généraliser, c'est à l'État de la prendre en charge", pointe Jérôme Dumont, de l’association “Départements de France” et président de la Meuse.
À part la question du financement, ce qui pose problème avec ces casiers ou ces pochettes, c’est la logistique. Ça pose un problème de moyens humains, car ça rajoute une charge aux surveillants qui doivent collecter les téléphones le matin puis les restituer le soir. Ou dans l’autre cas, vérifier que les pochettes de chaque élève sont fermées. Ça peut créer des embouteillages devant la grille du collège.
Pas la priorité des directeurs d'établissement
Les ados aussi peuvent refuser, dire qu’ils n’ont pas de portable alors qu’ils en ont un, amener un deuxième téléphone caché dans leur sac…
L’an dernier, le collège d’Hervé, prof près de Lyon, a fait partie de l’expérimentation. Les portables étaient stockés dans un casier pendant la journée, au sein d’un bureau fermé à clé. "L'établissement n'avait pas d'assurance. Un jour, un appareil est tombé, alors qu'il était sous la responsabilité du collège, et donc les dégradations de l'appareil ont été à la charge de l'établissement. Il y en a eu pour 400 euros pour l'appareil en question", souligne-t-il.
Il y a donc une question de responsabilité assez lourde pour les établissements. Cette expérimentation a suscité beaucoup d’interrogations, mais le ministère n’a toujours pas rendu publique l'évaluation de l’expérimentation de l’an dernier. De nombreux chefs d’établissement contactés ont déclaré qu’ils n'appliqueront pas la mesure comme Aurore Metenier, principale à Paris et membre du syndicat des personnels de direction.
"La priorité du 1er septembre, c'est d'accueillir les élèves. Ce n'est pas nécessairement de mettre des casiers divers et variés dans des salles de classe ou à l'entrée d'établissement…. Ça c’est une réalité", appuie-t-elle.
Et même si les collèges ont jusqu’au mois de décembre, dernier délai, pour mettre en œuvre le dispositif, on risque d’être très loin d’avoir 5.000 établissements qui adhèrent au “portable en pause”. Au mieux, quelques centaines seront prêts d'ici la fin de l'année.