Vers une refonte de l'éducation sexuelle à l'école: "La France a 20 ans de retard"

Anne Genetet se dit pour. La nouvelle ministre de l’Éducation nationale s’est prononcée en faveur de la refonte du programme d’éducation à la vie affective et sexuelle pour une application dès la rentrée 2025. Elle promet de le défendre, c'est ce qu'elle a annoncé mardi 22 octobre. "J’ai pris le temps qu’il fallait pour relire avec beaucoup d’attention le programme qui a été écrit", a indiqué la ministre auditionnée par la commission de la Culture et de l’Éducation au Sénat, avant de préciser qu’il était "très complet".
Des séances obligatoires pourtant peu délivrées
L'éducation sexuelle à l'école est inscrite dans la loi depuis 2001, avec trois séances obligatoires par an au collège et au lycée. Mais dans les faits, selon un sondage du collectif Nous Toutes, seulement 13% des séances sont délivrées. Et bien souvent le thème est abordé d’un point de vue scientifique et biologique, dispensé la plupart du temps par des professeurs de SVT.
Pourtant, l'éducation sexuelle est importante. Cela permet de découvrir son corps, savoir préserver son intimité, alerter si besoin et surtout comprendre la notion de consentement.
Pour Anne-Sophie Simpere, militante associative interrogée sur le plateau d'Estelle Midi sur RMC, "c’est tout à fait nécessaire". "C’est bien que la ministre déclare qu’elle va s’en emparer. En 2022, il y avait un rapport rendu public qui évaluait le niveau d’éducation sexuelle en France et concluait qu’on avait 20 ans de retard", a-t-elle ajouté.
"Ca permet de protéger les gamins, de détecter les cas d’agression sexuelle et dans ce programme, il y a aussi des discussions sur les discriminations, l’image de soi, le rôle des réseaux sociaux. C'est donc hyper important en terme de formation de citoyen", estime Anne-Sophie Simpere, militante associative
Un manque de moyens?
Mais comme l'a affirmé Benjamin Amar, professeur d’histoire géo et militant CGT, "ça pose plusieurs questions à un moment où on nous annonce la suppression de 4.000 postes". "Le service public d'éducation nationale est dégradé par des politiques austéritaires qui ne datent pas de six mois et qui continuent. 4.000 postes en moins c’est considérable", a dénoncé le professeur.
"Je rejoins le fait qu’il faut les moyens pour ça, et notamment ça demande une formation des profs. Et puis, ce sont de plus en plus de contractuels donc ce ne sont pas de bonnes conditions pour être formés et apporter de nouveaux contenus de cours", a ajouté Anne-Sophie Simpere. "On a 20 ans de retard donc il va falloir mettre des moyens. Il faut que ce soit de la mise en œuvre concrète sur le terrain."
Les ravages de la pornographie
Pour la sexologue Catherine Solano, ces cours sont importants car "les parents sont souvent insuffisants". Selon elle, ce sont surtout les pères qui "ne font rien". Elle précise: "C’est difficile pour les mamans de parler à un jeune garçon adolescent vu qu’elles ne sont pas passées par la même adolescence". Les filles ayant leurs règles, "ça fait une entrée pour parler du corps et de la grossesse car tous les parents ont peur que leur fille tombe enceinte un jour. Pour les garçons, ils ont moins peur donc il y a une différence énorme”.
Mais le vrai problème réside, selon elle, dans la pornographie et milite pour qu'elle soit réellement inaccessible aux enfants mineurs: "Il devrait y avoir des amendes dissuasives qui financeraient l'éducation sexuelle à l’école."
"La pornographie crée des ravages épouvantables, je le vois bien en consultation. Et les relations amoureuses et affectives ont beaucoup changé”, souligne Catherine Solano, sexologue.
98% des agresseurs sexuels sont des hommes, a également rappelé Anne-Sophie. Alors pour elle, le fait de discuter très jeune du consentement, du corps et préparer à une sexualité qui soit saine et pas seulement dictée par la pornographie, "résoud plein de problèmes y compris à long terme et notamment sur la question des violences sexistes et sexuelles”.
Catherine Solano le confirme: “C’est tout aussi important parce que les enfants peuvent devenir des agresseurs. Il y a des enfants agresseurs car justement ils n’ont pas été éduqués à ce niveau-là."
Le constat du manque d’éducation à la sexualité des enfants et adolescents est plutôt accablant: 15.000 IVG de mineurs sont réalisées en France par an, c’est 4 fois plus que chez nos voisins européens. De plus, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle toutes les 3 minutes. Taux record en Europe. Sans compter que 45% des enfants de moins de 14 ans ont déjà vu une vidéo pornographique "hard" sur des sites gratuits.