Emmanuel Macron à Vichy: pourquoi c'est une visite très symbolique

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Emmanuel Macron va faire ce mercredi ce qu’aucun président de la cinquième République n’a jamais fait. Se rendre sur les lieux maudits de l’histoire de France. Là où fut conduite la politique de collaboration active avec l'Allemagne nazie pendant quatre ans, entre juillet 1940 et août 1944.
Le général de Gaulle s'était rendu à Vichy en 1959 mais il s’était contenté d’un discours à l'hôtel de ville, sans visiter la ville. Valéry Giscard d'Estaing était aussi passé à Vichy mais en coup de vent, pour participer à un congrès. Tous les autres présidents, de Georges Pompidou à François Hollande, ont soigneusement évité cette ville au nom sulfureux : Vichy, synonyme d’indignité et de compromission.
Recueillement
Emmanuel Macron va se recueillir ce mercredi soir devant deux plaques commémoratives. La première au casino, là où le 10 juillet 1940, les députés et sénateurs ont enterré la république en votant les pleins pouvoirs pour le maréchal Pétain. La plaque est en l’honneur des 80 parlementaires qui ont voté contre. 570 avaient voté pour.
L’autre plaque se trouve près de l'hôtel du parc. Elle indique: "C’est depuis cet immeuble que le gouvernement a déclenché une gigantesque rafle de juifs étrangers le 26 août 1942". 6.500 juifs, dont des centaines d’enfants, avaient été arrêtés par la police française en zone libre, puis livrés aux Allemands et transférés vers le camp d’extermination d'Auschwitz.
L’image du président devant cette plaque n’est évidemment pas neutre, alors qu’Eric Zemmour a estimé que le maréchal Pétain avait sauvé des juifs français.
Pas de discours
Il n'y aura pas de discours mais le président a prévu de déambuler dans le quartier des hôtels et ministères, où s'était installé le gouvernement et ses services. Par exemple, l'Hôtel du parc Lardy où le sinistre inspecteur Poinsot torturait les résistants, à l'Algérie-hôtel où s'était installé le commissariat général aux affaires juives. Commissariat qui n’avait naturellement pas pour mission de sauver des juifs français.
Et le plus connu enfin, l'hôtel du Parc où vivait et travaillait Pétain au troisième étage, alors que le Premier ministre Pierre Laval se trouvait au deuxième étage. Dans les années 50, cet hôtel a fermé et a été revendu en appartements. Une association des amis du maréchal Pétain a racheté son appartement et le fait encore visiter aujourd’hui. Cette association est présidée par Louis de Condé. Un homme qui a été condamné en 1963 à 15 ans de réclusion criminelle pour avoir participé à trois attentats contre les généraux de Gaulle, dont celui du Petit-Clamart. Louis de Condé est toujours vivant, toujours nostalgique du "vichysme", du maréchal et de l'Algérie française.
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Le maire de Vichy se félicite de la visite présidentielle
Frédéric Aguilera, le maire de Vichy, voit en cette visite présidentielle une nouvelle reconnaissance du fait que c’est la France entière qui est responsable de la collaboration, pas seulement une petite ville, perdue au milieu de la France. Jacques Chirac avait reconnu cette responsabilité en 1995 dans son discours du Vel d'hiv. La présence du président de la République aujourd’hui sur les lieux même de la collaboration, est une confirmation de ce discours. Pour le maire de Vichy, la France assume et ne demande plus à sa ville de porter seule le poids de la mémoire.
La presse locale est sur la même ligne: l’éditorialiste de La Montagne, Matthieu Perrinaud, écrit que "les Vichyssois ne sont pas vichystes, Vichy n’est pas le cœur du mal. Seulement une petite ville de province choisie comme capitale de l’indignité, sans qu’elle ait son mot à dire".
Vichy a rebaptisé le parvis de l'opéra, parvis Simone Veil. Et un square à été nommé, le square Michel Crespin, du nom du plus jeune déporté juif du département. Michel Crespin était un bébé de 5 mois qui fut gazé à Auschwitz.
Pourquoi Vichy avait été choisie comme capitale?
Cette petite ville du centre avait été choisie comme capitale parce que c’était la panique. En juin 1940, le gouvernement avait quitté Paris, fuyant devant l'avancée des Allemands. Il avait été question de s’installer à Bordeaux ou à Clermont-Ferrand, mais finalement c'est Vichy qui avait été choisie, ville thermale à la mode disposant d’un parc d’une soixantaine d'hôtels et, ce qui était très rare à l'époque, de téléphones qui permettaient de joindre l’international. Voilà à quoi a tenu le destin de cette sous-préfecture: un standard téléphonique moderne. Pétain s’y est installé et la suite de l’histoire est connue. Connue et honteuse. Pas la peine d’essayer de la réécrire…