Fermeture des bureaux de poste: l'Etat abandonne-t-il les campagnes? "Ils sont devenus fous"

Les bureaux de poste ferment à la pelle et ça ne risque de ne pas s’arranger... A cause des restrictions budgétaires, l'Etat a décidé de réduire de 50 millions d'euros, soit d’un tiers, le budget alloué à la présence postale à travers le pays, a annoncé le patron du groupe La Poste en marge du congrès de l'Association des maires ruraux de France.
Pour le PDG de La Poste Philippe Wahl, "si cette coupe est faite en 2024, elle annonce sans doute une coupe en 2025". "Cela que veut dire qu'on ne pourra plus faire fonctionner des agences postales communales. Il en reste 17.000 aujourd’hui mais l’hémorragie est en cours", alors qu'un bureau de poste ferme chaque semaine pour "absence de rentabilité".
Et dans certaines communes où, après la fermeture du centre des impôts, La Poste était le dernier contact avec les services publics, la grogne monte. D’autant qu’il faut y ajouter d’autres disparitions: en France, 62% des communes sont aujourd’hui dépourvues de commerces, contre 25% en 1980. Et un distributeur automatique d’argent sur six a disparu en cinq ans.
Dans Estelle Midi, l'autoproclamé "homme de la campagne" Fred Hermel estime que l'Etat abandonne les campagnes, alors que la France est l'un des pays les plus ruraux d'Europe. "J'ai vécu en Espagne. Entre les grandes villes, il n'y a rien", assure-t-il ce lundi sur RMC et RMC Story. "La France a réussi à limiter l'exode rural, il y a une vraie vie dans les campagnes en France et c'est une chance fabuleuse", poursuit-il.
"Ça me traumatise"
Fred Hermel estime que les campagnes ont été oubliées pendant que des milliards étaient investis ces dernières années dans les banlieues: "Si au moins l'Etat fermait les bureaux de poste mais investissait dans les commerces locaux, ça irait", ajoute-t-il sur le plateau d'Estelle Midi.
"Ça me désole et ça me traumatise", déplore de son côté le critique gastronomique Périco Légasse, qui assure aller à La Poste "une fois par semaine". "La Poste était le dernier symbole de l'Etat, les gens savaient qu'il y avait un peu de République qui était là et les associaient".
"C'est terrifiant aujourd'hui quand vous traversez des communes de 3.000-4.000 habitants. Les commerces ferment et ne sont pas remplacés. A 18h30, il n'y a plus personne dans les rues. Et l'âme de la France, c'est la ruralité et les campagnes", ajoute Périco Légasse.
"Ils sont devenus fous", se désole aussi l'infectiologue Robert Sebbag. "Il faut réveiller les autorités, rappelez-vous les Gilets jaunes, c'était la ruralité. Les gens ont besoin de contact, il y a toujours des déserts numériques en France. On l'a vu sur la vaccination, il fallait aller sur des sites internet, les gens ne savaient pas faire, alors qu'en Espagne on envoyait un courrier et ça a beaucoup mieux marché", rappelle-t-il.
Le nombre d'habitants en zone rurale au-dessus de la moyenne en France
Le praticien est très pessimiste sur l'avenir: "C'est notre histoire. La désertification, c'est horrible. Les gens ont besoin de véhicules et on leur dit aussi que demain il va falloir acheter des véhicules électriques".
"Il ne peut pas y avoir de services dans chaque commune, on a fait le choix d'habiter à la campagne mais ce n'est pas une raison pour nous oublier", peste Jean-Paul Carteret, le vice-président de l'Association des maires ruraux. "Il faut arriver à concentrer les services dans certains pôles. Mais il faut nous aider à avoir des pôles intermédiaires alors qu'actuellement, tout est fait dans les anciens chefs-lieux de canton".
Aujourd'hui, 32,8% des Français vivent dans des zones rurales, contre 27% en moyenne en Europe.