La justice ordonne le retrait d'une croix sur une statue à Ploërmel: "On veut raviver une guerre de religion"

La statue en question - DAMIEN MEYER / AFP
Patrick Le Diffon est maire LR de Ploërmel (Morbihan).
"Je craignais que ce jugement me tombe dessus sous cette forme. Depuis douze ans que cette statue est installée sur cet espace public, sur un parking situé au centre de Ploërmel, je pensais que les choses allaient être considérées différemment. Mais il n'en est rien.
Si le Conseil d'Etat a jugé que la statue et l'arche n'étaient pas contraire à l'esprit de la loi 1905, il a jugé que la croix qui surplombe le dôme était elle en contradiction. Par voie de conclusion, on nous demande de retirer la croix, soit de démembrer l'oeuvre d'art installée sur notre place publique.
"Ca me laisse un peu amer"
J'ai une grande difficulté à l'accepter. Toute oeuvre d'art n'a pas vocation à être démembrée partiellement sans autorisation expresse de l'artiste. Première démarche, on va interroger Zourab Tsereteli, l'artiste russe qui nous a offert cet édifice en 2006. Je ne me permettrais pas d'en couper un morceau sans son accord, sans quoi je m'expose à des poursuites, ce qui est normal. Sinon, je trouverai un endroit privé où l'installer sur la commune, car je tiens à la garder.
Tout ça me laisse un peu amer. Douze ans, c'est long. Tout le monde a eu le temps de s'habituer. La statue est totalement adoptée. J'entends ici et là les Ploërmelais, qui ne fréquentent pas plus l'Eglise que ça, qui me disent qu'elle fait partie du paysage et du patrimoine. Eux, ça ne les dérange nullement.Je demeure persuadé qu'il serait malvenu de la mutiler, voire de l'enlever.
Une "guerre de religion" dépassée
Il faut essayer de trouver une juste entente entre la loi, qui est rigoriste, et la réalité. On est dans un pays catholique où l'influence de la religion décroît. Les statues bâties avant 1905 ont le droit de siéger, et les autres pas. D'accord. Mais je vois bien la tension exacerbée que ça ramène. Il y a des quasi-règlements de compte entre extrémistes des deux bords. Ceux, laïcards, qui veulent l'enlever radicalement, et ceux de l'intégrisme religieux, qui m'attaquent en considérant que je ne fais rien pour conserver la structure. Mon intention pourtant n'est pas de la déboulonner, dans un esprit d'apaisement.
Je remarque que ce ne sont pas des groupes locaux, ce sont pas des gens du cru, de chez moi, qui sont dans cette passion exacerbée. Mais plutôt des gens extérieurs, qui en profitent pour de larges débats.
Il y a des groupuscules d'extrême droite qui vont raviver une guerre de religion. Je ne veux surtout pas de ça. La commune mérite de vivre sa quiétude, on n'est pas là pour être source de conflit religieux qui à mon avis sont complètement dépassés."
Un décoiffage qui a mis du temps
C'est le dernier terme d'un feuilleton de onze ans. La Fédération morbihannaise de la libre-pensée, épaulés par deux habitants de Ploërmel, avaient saisi la justice administrative après que la commune a autorisé en 2006 l'érection de cette statue représentant Jean-Paul II. Le 30 avril 2015, le tribunal de Rennes avait enjoint le maire de retirer ce monument haut de 7,5 mètres. Mais la cour administrative d'appel de Nantes avait annulé la décision le 15 décembre 2015. Dernier échelon du contentieux administratif, le Conseil d'Etat a finalement adopté une position médiane: faire ôter non la statue entière, mais juste son "emblème religieux", la croix, en invoquant la loi de 1905 qui interdit de les élever ou de les apposer "en quelque emplacement public". La commune doit verser 3.000 euros aux requérants.