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Lettres anonymes, menaces de mort, "colis piégés": "persécutée" dans son enfance, cette fille d'un ancien prêtre raconte son quotidien

C'est une première en France. Ce jeudi, des enfants de prêtres seront reçus au siège de la conférence des évêques de France à Paris pour une réunion à huis clos.

Un début de reconnaissance important pour des enfants qui ont souvent été culpabilisés et rejetés, symboles de la trahison de la règle du célibat, imposée par Rome. Même les enfants d'anciens prêtres, qui avaient quitté les ordres pour fonder une famille, ont pu être stigmatisés.

Jusqu'ici l’Eglise a tout fait pour cacher l’existence de ces enfants. Dans certains cas, elle a employé des méthodes radicales: la mutation des prêtres pour les éloigner de leur enfant, les accords de confidentialité imposés aux mères, et les abandons forcés.

Mais même s'ils n'ont pas été victimes de telles méthodes de l'Eglise, la majorité des filles et fils de prêtres ont vécu comme un traumatisme ce tabou, cette honte, cette culpabilité.

Représentés par l'association "Les enfants du silence", qui compte une soixantaine d'adhérents, ces enfants se battent pour leur reconnaissance, pour que le pape et que Rome reconnaisse leur existence et les souffrances qu'ils ont traversées.

"Il y a eu une fronde qui s’est menée contre lui"

C’est le cas de Léa, persécutée dans son enfance, car fille d'un ancien prêtre. Elle a 40 ans aujourd'hui et a choisi de témoigner anonymement. Son histoire, Léa ne la raconte jamais à personne.

L'histoire de ce père prêtre, qui décide de quitter les ordres pour se marier avec sa mère et fonder une famille. Leur arrivée ensuite dans un village du sud de la France. Ce passé qui les poursuit et le début des persécutions.

"Les gens ont découvert que sa vie d’avant c’était prêtre. Et là, il y a eu une fronde qui s’est menée contre lui. On avait des lettres anonymes de menaces de mort, des colis avec des excréments dedans qu’on recevait, on a eu un début d’incendie criminel dans la maison".

"J’essaye d’être le plus invisible possible"

La honte, la culpabilité, qui font que plus de 30 ans plus tard, Léa continue de cacher ses véritables origines.

"Inconsciemment, j’ai peur que ça revienne tout ça. Je suis sur liste rouge, sur ma boîte aux lettres il n’y a pas mon nom, c’est celui de mon compagnon. J’essaye d’être le plus invisible possible".

Mais Léa n'a pas renoncé, et espère un jour pouvoir vivre librement. Cette rencontre aujourd'hui avec la conférence des évêques de France lui donne un peu d'espoir: "Pour qu’on leur dise voilà, on est enfants de prêtres, on existe et eux qu’ils disent qu’on existe, qu’ils nous serrent la main et nous reçoivent. Rien que ça, c’est déjà énorme symboliquement".

Reconnaître qu'elle existe. Mais aussi surtout les blessures de son enfance. Qui ne se refermeront jamais tout à fait.

Marie Regnier et Marie Monier (avec Caroline Petit)