Loi immigration: "Il ne faut pas que Macron recule", appelle Seykou, ancien travailleur sans papier

Machine arrière toute. La majorité pourrait abandonner le volet "métiers en tension" de son projet de loi immigration, malgré le manque de main d'œuvre dans de nombreux secteurs. Le gouvernement d'Emmanuel Macron semble bien décidé à mettre au placard cette option qui aurait permis de régulariser plus facilement les travailleurs sans papiers, exerçant dans des secteurs qui peinent à trouver de la main d'œuvre.
C'est le cas de Seykou, 40 ans, cuisinier dans le Val-de-Marne et arrivé en France en 2003 pour travailler malgré sa situation irrégulière: "Je suis resté dans un groupe hôtelier sans papier jusqu'en 2007 jusqu'à ma régularisation sous Nicolas Sarkozy", raconte-t-il ce jeudi sur RMC et RMC Story.
Aujourd'hui, il appelle à la régularisation dans les secteurs à la peine: "C'est important de régulariser, parce que le bâtiment, la restauration, c'est très dur et tout le monde ne veut pas le faire, tout le monde ne peut pas accepter ça, avec des horaires décalés et un travail physique. On a la chance d'avoir des immigrés qui veulent le faire, il ne faut pas qu'Emmanuel Macron recule", appelle-t-il.
"Si nous n’avons pas ce personnel, le restaurant ne tourne pas"
Dans la restauration, on s'inquiète effectivement de ce revirement. C'est le cas de Lionel, chef de salle d'un établissement à Toulouse, entouré de nombreux salariés d'origine étrangère, notamment un Brésilien, une Algérienne ou une Dominicaine: "Du plongeur au responsable de chef de rang, ou au serveur, si nous n’avons pas ce personnel-là, à l’heure actuelle le restaurant ne tourne pas", assure-t-il à RMC.
Le gérant du restaurant, Patrick Carthery a également fait appel à deux salariés originaires du Bangladesh, avant le début de début de l’été: "Actuellement, nous en avons un qui a une autorisation de travailler jusqu’au mois d’octobre, et qui, s’il n’est pas régularisé, et l’obtient pas un titre de séjour, nous serons obligés de nous en séparer à partir du mois d’octobre parce qu’il ne pourra pas travailler".
Forcément un éventuel rétropédalage du gouvernement pour les métiers en tension inquiète ce patron qui y devine une décision électorale: "Est-ce que nous sommes dans une situation pré-électorale? cela me semble un peu surréaliste à 4 ans des élections. Je demande au gouvernement déjà de tenir ses engagements, et de ne pas avoir deux discours: soit ils font ce qu’ils promettent, soit ils ne promettent rien, et ils font rien".
"Une mesure d'humanité"
Un éventuel rétropédalage qui inquiète aussi au sein de la majorité. C'est le cas de Marc Ferracci, député des français de l'étranger et vice-président du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale: "Si cette disposition est adoptée, des sans-papiers vont pouvoir engager dès demain eux-mêmes leurs démarches de régularisation alors qu'aujourd'hui ils ont besoin de l'accord de leur employeur. Or, aujourd'hui, on sait que certains employeurs s'accommodent très bien d'avoir des sans-papiers pour les exploiter", déplore-t-il.
"C'est une mesure d'humanité et de bon sens économique. L'article est toujours dans le projet de loi, j'espère bien qu'on va le maintenir", ajoute le député.
Un recul pour flatter la droite?
Abandonner ce volet du projet de loi immigration serait un pas du gouvernement fait vers la droite alors que cette mesure crispe les LR. Mais pourrait aussi couper la majorité de certains de ses députés, comme Marc Ferracci qui prédit que certaines voix de Renaissance pourraient manquer: "Je m'interrogerais sur mon vote si cette disposition disparaissait du projet de loi", menace l'élu.
Le projet de loi immigration, dont l'examen avait débuté cet hiver au Sénat, devrait de nouveau revenir à l'agenda politique rapidement après avoir été reporté à de multiples reprises.