"On nous jette dehors, qu'on nous indemnise!": le combat des habitants d'immeubles voués à la démolition à Grigny 2
"Nous allons trouver une situation pour chaque habitant et chaque habitante, nous portons un projet d'avenir". Voilà ce que déclarait en mars 2021 la ministre du logement Emmanuelle Wargon lors du lancement d'une grande opération de réhabilitation de Grigny 2, dans laquelle elle promettait de "s'impliquer personnellement".
L'objectif est de transformer cette immense copropriété privée de 5.000 logements, une des plus endettées et des plus dégradées de France, en rachetant 1.320 appartements, dont 900 seront détruits.
Un an plus tard, des centaines de copropriétaires résistent, dénonçant des conditions de départ "indignes".
"J'ai acheté mon appartement 120.000 euros, et je dois encore 90 000 à la banque. L'Etat propose de me le racheter 65 000 ! Je fais comment ?" s'interroge Régis, qui a acheté son logement il y a 10 ans, aujourd'hui voué à la démolition. "Le préfet nous a dit que Grigny 2 était un bateau à la dérive mais il a oublié de dire que les habitants devaient se jeter à l'eau sans gilet de sauvetage. Le but c'est de nous faire dégager coute que coute".
600 euros le mètre carré
Des offres d'achat à 600, 700 euros du mètre carré, alors que le prix moyen dans le quartier avant cette vaste opération de préemption tournait autour de 1.300 euros selon les agents immobiliers. Voilà ce que dénoncent les habitants de Grigny 2. Joëlle Desdoits vit elle aussi dans un des futurs immeubles démolis : "On est littéralement spoliés. Les prix sont abérrants. Comment voulez-vous qu'on aille se reloger ? On n'a demandé à personne de partir. On nous jette dehors, qu'on nous indemnise".
Des copropriétaires en colère qui se sont réunis dans une association, "Ensemble pour la réussite de Grigny 2", dont Chantal Lebeaupin est la présidente. "On a laissé les syndics faire n'importe quoi pendant des années, et là l'Etat rapplique en sauveur. Mais pourquoi on vendrait à 600 euros du mètre carré alors qu'on sait très bien que dans 2 ans ce sera 1 500 euros du mètre. En plus il n'y a pas d'offres écrites, que des offres orales. C'est totalement opaque".
"On demande un prix juste"
"Les seules offres écrites sont envoyées aux propriétaires ayant accepté le prix qu'on leur propose", admet la directrice générale adjointe de l'Epfif, l'Etablissement public foncier d'Ile de France qui coordonne le programme de rachat des 1 320 logements. "Les copropriétaires qui se posent des questions peuvent venir à la maison du projet, on leur donnera toutes les explications. C'est un travail de long terme et on prend toutes les décisions ensemble, avec le maire et l'Etat".
Sauf que les relations entre l'Etat, la mairie et la région commencent à se dégrader. Le communiste Philippe Rio, a écrit fin janvier une lettre à la ministre du logement Emmanuelle Wargon pour dénoncer "des montants insuffisants et des incohérences de prix de rachat". "C'est clair nous on demande un prix juste, mais pour l'instant la ministre dit non", explique le maire au micro de RMC.
De son côté, le ministère du logement renvoie vers le préfet de l'Essonne Eric Jalon. "Nous allons regarder avec la plus grande précision la lettre du maire", explique ce dernier par téléphone à RMC, "si besoin nous allons essayer d'améliorer les processus du vente". Le préfet devrait notamment rencontrer les banques "dans les prochaines semaines" pour essayer de trouver des solutions pour les personnes qui ont un emprunt sur le dos. Mais aucun engagement pour une révision à la hausse des offres d'achat ou une quelconque indemnisation pour les habitants.