RMC
Société

Retraites: "si la loi est promulguée, il y aura un effet boomerang" prévient Jean-Claude Mailly

placeholder video
Alors qu'une douzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites et prévue pour le 13 avril, l'ancien secrétaire général de Force ouvrière Jean-Claude Mailly a estimé qu'il n'avait jamais vu telle rupture entre syndicat et exécutif et critiqué la méthode d'Emmanuel Macron.

"Une question de conception." C'est par ce prisme là que Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière de 2004 à 2018, voit la rupture entre les syndicats et l'exécutif. Invité de la Matinale Week-End de RMC, il a détaillé sa vision du mouvement social contre la réforme des retraites qui entre dans son troisième mois.

La conception dont il parle, c'est celle d'Emmanuel Macron dans le dialogue social: "Il considère, et il avait expliqué ça dès sa campagne de 2017, que la place des syndicats, c'est dans l'entreprise et uniquement dans l'entreprise. Au niveau national, il considère que ça relève de l'intérêt général. Il n'a pas besoin de leur parler, il n'a pas besoin de les consulter", explique Jean-Claude Mailly

S'il juge qu'il n'y "a pas de rupture définitive" entre exécutif et syndicats, il y a bien une rupture, une tension qu'il n'a jamais connu dans un conflit social. "J'ai connu pas mal de conflits (sociaux) et le fil n'a jamais été coupé, contrairement à cette fois. Pour le moment, en tous les cas, le président de la République n'est pas ouvert à une discussion", explique celui qui remarque de l'incompréhension dans les autres syndicats européens en voyant la situation française: "quand le syndicat demande à être reçu par le chancelier et que le chancelier les reçoit pas, c'est incompréhensible". Il charge aussi l'attitude du chef de l'État dans ces négociations:

"Je considère que le président est victime de ce qu'on appelle le syndrome de l'hubris: mélange d'orgueil et de surestimation, une explosion du surmoi. Donc vous sous-estimez les autres."

"Les traces" de cette mobilisation "seront profondes"

Il prévient le président de la République d'un effet politique consécutif à une possible promulgation de la loi: "Si jamais la loi est promulguée, que le Conseil constitutionnel n'invalide pas le texte, les traces seront profondes."

"Il y aura un effet boomerang. Est ce qu'il sera social? Est ce qu'il sera politique? Ça a toujours été le cas quand il y a eu des manifestations importantes qui n'ont pas abouti."

Il appelle le président de la République à la "prudence" et l'alerte: "il y aura encore quatre ans et quatre ans, ça peut être très long."

Problème de conception et problème de méthode. L'ancien numéro 1 de Force ouvrière explique qu'il ne "rencontre personne, y compris des chefs d'entreprise, qui dit que la méthode est bonne. Même des gens pour (la réforme), disent que la méthode est nulle." Pour lui, "quand vous démarrez une concertation, vous devez tout mettre sur la table."

"Or là, quand ça démarre, il dit Bon, on dit, on vous consulte, mais alors les 64 ans, on n'y touche pas. Comment voulez-vous que ça marche? Ça n'est pas possible que ça fonctionne."

Changer de Premier ministre? Pas le souci

Un changement de Premier ministre ne changerait d'ailleurs pas la donne pour Jean-Claude Mailly: "depuis le quinquennat, on est dans une situation où, Nicolas Sarkozy n'avait pas tort, le Premier ministre est un collaborateur du président de la République. Ce n'était peut-être pas très gentil, mais c'est une réalité."

"Madame Borne reçoit les syndicats qui acceptent de venir, elle n'a pas mandat de céder sur ou de suspendre les 64 ans. C'est pour ça qu'ils repartent assez vite d'ailleurs. Mais qui peut prendre cette décision? Le président. C'est lui qui l'a annoncé. Normalement, il devrait être le dernier arbitre au-dessus. Sauf qu'il a annoncé. Il s'est mis lui-même dans une situation difficile."

L'ancien secrétaire général de FO estime d'ailleurs qu'Elisabeth Borne prend bien ses distances avec Emmanuel Macron dans le journal Le Monde, en parlant de période de convalescence: "À partir du moment où elle essaie de renouer les liens, avec les syndicats, qui sont difficiles aujourd'hui et que le lendemain, il y a une déclaration du président de la République qui met tout par terre… elle prend la peine de prendre une distance, oui, je pense qu'on a compris la formule" explique Jean-Claude Mailly qui fait un parallèle entre la phrase utilisée par Elisabeth Borne, "il ne faut pas humilier les syndicats" et celle utilisée lors de la guerre en Ukraine par Emmanuel Macron, "il ne faut pas humilier les Russes."

"Une forme de crise de démocratie"

L'ancien numéro 1 de FO reprend aussi les mots de Laurent Berger sur une "crise démocratique" ou plutôt "une forme de crise de démocratie", selon les mots de Jean-Claude Mailly:

"La démocratie, ce n'est pas simplement le droit de vote, c'est un élément de la démocratie. En démocratie, c'est le peuple pour le peuple par le peuple. Donc le droit de vote est un élément. Mais ce qu'on appelle la démocratie sociale, c'est un élément important de la démocratie", juge-t-il.

"Si vous voulez qu'une démocratie fonctionne bien, il y a la jambe politique et la jambe sociale. Il faut que les deux fonctionnent. Or là, la démocratie sociale en a pris un sacré coup. Donc c'est une forme de crise de la démocratie", conclut-il.

https://twitter.com/mmartinezrmc Maxime Martinez Journaliste RMC