Rixes entre migrants à Calais: "Le seul moyen pour voir les choses s’apaiser, c’est d’accueillir"

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Calais est à nouveau calme depuis vendredi matin. Mais bénévoles et salariés des associations qui viennent en aide aux migrants restent pour certains marqués par les événements de jeudi après-midi. Trois rixes au total entre Erythréens et Afghans. Un scénario jusque-là classique, sauf que pour la première fois des armes à feu ont été utilisées.
Une escalade de violence et un bilan lourd puisque 22 ont été blessés, 5 touchés par balle dont 4 grièvement. Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, qui s'est rendu dans la ville du Nord, a notamment mis en garde contre le mirage de Calais.
Il a appelé les candidats à l'exil à ne plus venir dans cette ville, rappelant que les mineurs qui seraient autorisés à passer au Royaume Uni ne seraient pas choisis parmi les migrants de Calais.
"C’est cette violence qui est faite aux gens qui s’exprime"
Vincent de Coninck est responsable de la prise en charge des migrants au Secours catholique. Il estime que les rixes qui ont eu lieu jeudi ne sont que la conséquence de la façon dont les migrants sont traités.
"Toute cette violence qui éclate et qu’on ne peut pas nier, c’est la violence qui est faite aux gens. Cette maltraitance institutionnelle, quand on empêche les gens de dormir, d’avoir un coin où on n’a pas l’humidité qui vous remonte dans les os, forcément ça rend fou. A un moment donné, il y a une rixe qui démarre à cause des passeurs et après, les gens se battent, ils ne savent même plus pourquoi mais simplement, ils explosent. Tout à coup, c’est comme si le couvercle était soulevé et c’est cette violence qui est faite aux gens qui s’exprime. Elle est le résultat d’une politique de non-accueil. Le seul moyen pour voir les choses s’apaiser, c’est d’accueillir".
"On a l’impression de vivre un film alors que c’est la réalité"
Christian quant à lui, est bénévole à l'association Salam qui distribue repas et vêtements aux migrants. Après avoir été témoin de l'une des rixes jeudi, il a hésité à venir vendredi mais finalement n'a pas regretté d'avoir eu le courage de continuer à honorer son engagement.
"Tous ceux par rapport auxquels on s’inquiétait, dans la mesure où on les retrouve le matin sains et saufs et qu’on voit qu’il ne leur est rien arrivé, on est un peu soulagé. D'un seul coup, il y a un ou deux migrants qui arrivent en criant, ils frappent, ils renversent les tables et à partir de ce moment-là, c’est une émeute qui commence. Quand on en voit un qui est à terre, avec du sang qui coule de la tête, dans le coma on est catastrophé. On a l’impression de vivre un film alors que c’est la réalité".
"On n’est pas non plus en état de siège"
Pour Didier Degremont, président du Secours catholique du Pas-de-Calais, pas question de ne pas être auprès des migrants malgré les violences.
"Au regard des événements, exceptionnellement, nos salariés et bénévoles sur le terrain sont partis devant la violence des faits. Mais aujourd'hui il n’y a pas à se poser la question. On est dans la prudence mais également toujours présents dans la mission qui est la nôtre c’est-à-dire, d’accueillir ceux qui sont en souffrance et ceux qui veulent venir vers nous pour être en sécurité. L’agressivité qui s’est exprimée hier, elle ne s’est pas exprimée sur les bénévoles ou même envers les policiers. Au regard du dispositif policier existant, on ne comprend pas qu’on ne puisse pas remplir notre mission parce qu’on n’est pas non plus en état de siège".