"C’est à la limite d’être dangereux": des Français confrontés aux déserts médicaux témoignent de leurs difficultés

Un Français sur quatre vit dans un désert médical. Une zone souvent rurale où l'absence de médecin se fait sentir et contribue à la détérioration générale des soins, selon une agrégation des chiffres des Agences régionales de santé. Et les conséquences sont dramatiques: un tiers des Français a déjà renoncé à se faire soigner faute de médecin, donc.
Près de 17 millions de Français seraient concernés et certains déserts médicaux se trouvent près des grandes villes: "J'habite à 25 kilomètres de Paris et près de chez moi, il nous faut une semaine pour avoir de la disponibilité", assure à RMC Sébastien qui vit à Villeroy, en Seine-et-Marne.
"La collectivité a investi 1,8 million d’euros dans un pôle médical et on ne trouve pas de médecin. Sur ce pôle médical, il y a normalement trois cellules pour trois médecins traitants mais aujourd’hui il n’y a que deux généralistes. Quand vous êtes nouveau venu, vous appelez, ce n’est pas possible de vous prendre. Parfois, il faut attendre plusieurs jours", ajoute-t-il.
"Mon médecin a des journées de dingue"
Si Sébastien concède que certaines plates-formes comme Doctolib permettent de pallier au manque, il s’inquiète que ce problème existe à 25 kilomètres seulement de Paris. Il plaide pour un effort des jeunes médecins à venir travailler dans les déserts médicaux. C’est notamment ce que propose Jean-Luc Mélenchon, en imposant dix ans d’exercice dans les déserts médicaux à tous les jeunes médecins. En contrepartie, ceux-ci recevraient une rémunération supérieure lors de leurs années d'études.
Car les déserts médicaux peuvent avoir des conséquences sur la santé des Français: "Mon médecin a des journées de dingue. C’est compliqué d’avoir un rendez-vous donc parfois, il nous prend à 6h30 ou 6h45 du matin, quand il sent que c’est une urgence, puis il finit à 21h ou 21h30 en fonction de ses rendez-vous", raconte Rodolphe, qui vit dans la région de Lyon.
"Du coup, à la maison, on se fait un auto-diagnostic comme on peut et on envoie un mail au médecin et il nous envoie une ordonnance. C’est à la limite d’être dangereux parce que c’est de l’automédication, sans diagnostic forcément", assure-t-il.
La tentation du privé
Quelques solutions ont vu le jour. Nadine, qui vit à Croisy-sur-Eure, dans l’Eure, a testé une cabine de consultation pour se faire soigner: "Vous vous asseyez dans la cabine, vous mettez votre carte vitale et vous attendez qu’un médecin se connecte vous demandant de prendre votre tension, votre température et vous donne ce dont vous avez besoin. Même si le médecin qui me parlait, se trouvant à Bordeaux, ne recevait pas pendant ce laps de temps, je me dis que c’est peut-être un début de solution", témoigne-t-elle sur RMC.
"C'est l'illustration de la dégradation de la qualité de la prise en charge des patients", peste Jean-Paul Hamon, le président d'honneur de la Fédération des médecins de France, qui estime que ces cabines ne vont rien apporter: "Où est la coordination des soins, où est la continuité des soins?" s'interroge le praticien. En dehors de ces cabines, Nadine, bien remboursée et disposant d'une bonne mutuelle peut se permettre d'aller dans le privé pour se faire soigner. "J'ai l'habitude d'aller dans le privé où j'ai des rendez-vous en trois jours", assure-t-elle, dessinant les contours d'une France des soins à deux vitesses.
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